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NEPAD - Critique annotee -- Part 6 -- Initiative pour la mise en valeur des ressources
NEPAD - Critique annotee -- Part 6 -- Initiative pour la mise en valeur des ressources
B2. Initiative pour la mise en valeur des ressources humaines, y compris l'inversion de la tendance à la fuite des cerveaux
(i) Réduction de la pauvreté
115. Objectifs
Fournir un leadership déterminé en accordant la priorité à la réduction de la pauvreté dans toutes les composantes du NOPADA et dans les politiques macroéconomiques et sectorielles des gouvernements nationaux ; Mettre particulièrement l'accent sur la réduction de la pauvreté chez les femmes ; Assurer une responsabilisation des pauvres dans les stratégies de réduction de la pauvreté; Appuyer les initiatives visant à combattre la pauvreté au niveau multilatéral, comme le Cadre global pour le développement de la Banque mondiale et le Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté liée à l'Initiative d'allègement de la dette pour les pays pauvres très endettés (PPTE).

On ne peut que se féliciter de l'emphase sur la pauvreté, mais la stratégie qui est retenue pour y remédier est questionnable. Malgré la volonté d'aborder la pauvreté de façon latérale, le NEPAD abonde dans le sens des programmes lubrifiants les ajustements structurels. Il s'arrime aux controversés PRSP(programmes de stratégies de réduction de la pauvreté) mis en exergue par leurs parrains, sans questionner leur contenu. Ces programmes ne pourront jamais se substituer au développement, même s'ils deviennent la pierre angulaire, voir remplacent ces programme d'ajustement qui ont échoué. Ces réformes de la Banque Mondiale sont prédéterminées et exigent un cadre institutionnel et un type spécifique de renforcement des capacités. Celles ci supposent la dépolitisation de l'Etat, la dépolitisation des enjeux sociaux, et de nouvelles formes d'allocation du pouvoir aux tenants de l'Etat. Il s'en suit une redéfinition restrictive et techniciste du rôle de redistribution sociale de l'Etat et une édulcoration du concept de l'équité. La contestation politique des hauts fontionnaires déflatés ou en voie de l'être, le rêgne croissant des expertocrates capables de décrypter les ajustements fragilisent l'appareil d'Etat. L'érosion des redistributions étatiques,y compris clientélistes et communautaires, affecte surtout les plus pauvres qui auraient pu y glaner quelques avantages. Dans ces nouvelles fonctions de l'Etat et de l'économie, on n'ébruite peu ceux qui tirent leur épingle du jeu, voir exceptionnellement s'enrichissent. Car, plus qu'ailleurs il n'y a pas de pauvreté sans richesse en Afrique. Et il y a la dessous beaucoup d'enrichissement illicite. Si on veut réellement s'atteler à éradiquer la pauvreté, il faut s'attaquer aux causes extérieures et endogènes qui perpétuent cette richesse illicite.
Dans cette optique, les femmes forment l'essentiel des pauvres. Le NEPAD évite de mentionner les causes de leur marginalisation. Le manque d'analyse sexospécifié qui est patent dans le document, malgré quelques pertinentes allusions éparses, cache que les femmes forment l'essentiel des pauvres du continent. Leur accès au droit foncier, au crèdit, au revenu, aux droits de la personne, la violence qui leur est faite comme fille et comme femme, la nécessité d'éradiquer les pratiques sexistes, les changements des mentalités masculines et feminines qui perpétuent ces phénomènes doivent être lucidement abordés, pour lutter contre leur pauvreté.
Au niveau multilatéral, un plus grand effort devrait certes être fait. Mais, il faut oeuvrer pour l'annulation de la dette. Il faut aussi un front de solidarité des peuples africains et avec eux pour une justice sociale.

116. Actions
Exiger que les programmes nationaux préparés pour les initiatives dans le cadre du présent programme
d'action évaluent la situation avant et après leur mise en œuvre, et mesurent leur impact sur la réduction de
la pauvreté ; Travailler avec la Banque mondiale, le FMI, la BAD et les institutions des Nations unies pour accélérer la mise en œuvre et l'adoption du Cadre global de développement, de la Stratégie pour la réduction de la pauvreté et des initiatives apparentées ; Mettre sur pied une équipe spéciale sur la question de l'égalité des sexes pour assurer que les stratégies de réduction de la pauvreté du NOPADA abordent les problèmes spécifiques aux femmes pauvres ; Mettre sur pied une équipe spéciale afin d'accélérer l'adoption de processus décentralisés de participation pour la construction des infrastructures et la prestation des services sociaux.

Comme dit précèdement, les stratégies s'inscrivent dans le sillage de celles des jumelles de Bretton Woods. En général, ce sont elles qui formulent et évaluent rétrospectivement leurs opérations. C'est bien de vouloir le faire parrallèlement au niveau national, mais c'est un exercice quasi vain puisqu'elles déterminent le programme et sa reconduction.
Il y a une volonté manifeste des auteurs du NEPAD d'ancrer les politiques des bailleurs de fonds dans leur discours et pratique. Cette internalisation du discours coincide avec la subordination de la fonction redistributive de l'Etat aux exigences des bailleurs de fond. Ceux ci à la faveur de ces PRSP s'immiscent dans toutes les sphères des politiques nationales qui d'ailleurs à ce rythme ne mériteront plus un tel qualitatif.Ils font comme si les problèmes de nos pays ne sont qu'internes et ignorent cyniquement l'impact négatif des tendances internationales qui relèvent des pays du Centre. Tout cela est générateur de frustrations sociales. Et la participation décentralisée et consultative proposée ne pourra pas canaliser indéfiniment les frustrations légitimes des populations.
Le décalage existant entre les objectifs internationaux de réduction de la pauvreté (de moitié d'ici 2015) et les mécanismes d'allégement de la dette qui sont hétérogènes et bien souvent mal adaptés risquent de fragmenter le peu d'unité des pays endettés et de hiérachiser davantage les récipiendaires.

On peut s'interroger sur la pertinence de la création d'une équipe spéciale. Elle ne risque de redécouvrir que les résultats de maintes études sérieuses qui se sont attelées des années durant à analyser les problèmes de la condition feminine et leurs besoins. En lieu et place de ces nouveaux ajustements aux accents féminins, et autres équipe spéciale, des mesures volontaristes spécifiques aux femmes devraient être proposées, idéalement par elles mêmes, et concrétisées sur une base nationale populaire et régionale..
Il en est de même pour les pauvres qui doivent être impliqués au départ dans la formulation des programmes qui prétendent vouloir les sortir de leur condition.

(ii) Combler l'écart dans le domaine de l'éducation
117. Objectifs
Collaborer avec les bailleurs de fonds et les institutions multilatérales pour assurer que l'objectif international du développement, visant à parvenir à une éducation primaire universelle d'ici l'an 2015, soit réalisé ;S'efforcer d'améliorer l'élaboration et la réforme des programmes, la qualité de l'enseignement et l'accès à l'informatique et à la télématique ;Elargir l'accès à l'enseignement secondaire et améliorer la pertinence de celui-ci par rapport au monde du travail ;Favoriser la mise en place de réseaux d'établissements spécialisés de recherche et d'enseignement supérieur.

Cette collaboration est appelée en vain. Depuis la crise de l'UNESCO, le secteur de l'éducation dans le milieu multilatéral connaît des réaménagements déchirants dictés par la rentabilité, le profit, et l'ajustement aux marchés du travail. La dette est le frein principal à l'essor de l'enseignement de masse comme de pointe. Les programmes sociaux d'enseignement ont été compromis à la faveur des PAS parrallèlement à la croissance démographique. La plupart des pays ne parviennent pas à répondre à la demande, alors que la crise empêche des jeunes et surtout des filles d'étudier pour se consacrer à améliorer le revenu grévé des ménages.
Il y a lieu de procéder aussi à l'enseignement primaire de grandes langues régionales africaines.
En plus de favoriser le point précédent, le métissage et l'intégration régionale, l'utilisation des technologies de l'information serait un atoût. Comment pourrait-on la généraliser quand on sait la mise sous tutelle du secteur de l'éducation par les ajustements qui ont réduit l'enveloppe dévolu à ce secteur et intensifier la privatisation et les frais de scolarité. Il serait intéressant que les pays africains collectivement tentent d'infléchir la Banque mondiale à soutenir la formation secondaire.Comme il faudra reconstruire le système supérieur qui a subi, malgré la résistance des étudiant-e-s la gestion néolibérale. Ces réseaux à mettre en place doivent avoir une vocation régionale et continentale et s'arrimer par tous les moyens possibles aux diaspora dans les centres de recherche à l'étranger. Ces derniers doivent tenter par tous les moyens possibles de fournir les informations dont elles disposent du fait de leur position stratégique et préparer leur retour.

118. Actions
Examiner les initiatives actuelles conjointement avec l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et les autres principaux bailleurs de fonds ; Examiner les niveaux des dépenses effectuées dans le domaine de l'éducation par les pays d'Afrique et prendre l'initiative d'un processus de mise au point de normes relatives aux dépenses gouvernementales dans le domaine de l'éducation ; Mettre sur pied une équipe spéciale pour accélérer l'introduction de l'informatique et de la télématique dans les écoles primaires ; Mettre sur pied une équipe spéciale pour examiner les capacités de recherche dont le continent a besoin dans chaque région et présenter des propositions à ce sujet.

L'UNESCO au sortir de sa crise ne pourra pas, sous peine d'encourir encore le courroux qui l'a métamorphosé, soutenir complétement les aspirations du Tiers Monde et de l'Afrique en particulier. Le PNUD et surtout la Banque mondiale ont accaparé certaines de ses prérogatives, et il serait irréaliste d'en attendre beaucoup. Les autres bailleurs de fonds ont leur intérêt. Mais qui sont ils? Est-ce encore la Banque Mondiale et ses alliés? On comprend qu'elle veuille que le NEPAD ait des"normes relatives aux dépenses gouvernementales" en matière d'éducation pour poursuivre ses propres fins si discutables.
Bien sûr ce serait bien d'avoir les ordinateurs. Mais a -t-on seulement l'école, lorsque des millions d'enfants sont sous l'arbre à palabre? Et même lorsque le bâtiment existe, il n'a pas d'eau, de toilettes , d'électricité. Il y a des priorités qu'il faut d'abord résoudre.

119. Les principaux problèmes qui se posent à l'éducation en Afrique proviennent de l'insuffisance des installations et des systèmes de formation de la vaste majorité des Africains. Ceux d'entre eux qui ont eu la possibilité de fréquenter des établissements d'enseignements ailleurs ont démontré qu'ils étaient capables de réussir.

On n'exclut que les PAS aient pu contribuer à aggraver l'insuffisance des installations et des systèmes de formation. Il est clair que n'importe quel humain qui évoluerait dans de bonnes conditions pourrait performer. En principe, sous les mêmes conditions nous sommes tout aussi compétents, semble vouloir signifier le NEPAD. Certains ont eu cette opportunité et n'ont pas pour autant réussi. L'égalité des chances étant que bien des africains non aisés, contraints de fuir la médiocrité de certaines de nos institutions ont dû s'exiler, lutter pour survivre, faire des études et parfois même pourvoir aux leurs restés au pays. Certains ont réussi et d'autres pas. Implicitement , la généralisation dans la formulation donne soit l'impression que l'on justifie que pour réussir il faille partir, ou que si on fréquente de meilleures institutions on réussira. Ceux qui restent aussi réussissent malgré les tamis élitistes ou corrompus. Et d'ailleurs, l'essentiel pour ceux qui réussissent et que ce succès soit utile à leur pays et à leur continent. Et qu'ils l'aient fait dehors ou dedans, les cadres étriqués du développement entrepris n'offrent que peu de possibilités.

120. Le plan soutient la consolidation immédiate des établissements d'enseignement supérieur dans toute l'Afrique, en créant, suivant les besoins des universités spécialisées, des programmes de coopération avec des enseignants africains. Il faut aussi insister sur la nécessité de mettre en place des instituts technologiques.

Les sommes colossales que cela requiert, incitent à se demander si elles ne devraient pas être consacrées d'abord à améliorer ce qui existe déja. Car il y a un manque de moyen, mais beaucoup de qualités dans nos mondes de recherche et autres sphères du tertiaire.
Si la philosophie néolibérale est derrière cette avènement d'universités spécialisées et ces instituts technologiques, on peut résolument se demander qui aura les moyens de les payer et qui aura les moyens de s'y payer les cours de scolarité?

iii) Inversion de la tendance à la fuite des cerveaux
121. Objectifs :
Inverser la tendance à la fuite des cerveaux pour en faire une tendance au "gain des cerveaux" en Afrique ; Renforcer et retenir sur le continent les capacités humaines nécessaires au développement de l'Afrique ; Elaborer des stratégies pour l'utilisation du savoir-faire et des compétences des Africains de la diaspora dans le domaine scientifique et technologique en vue du développement de l'Afrique.

Les conditions politiques, économiques, et scientifiques qui ont forcé des millions d'africains à s'expatrier doivent commencer à être dépassées pour qu' une telle inversion soit possible. Jusqu'à présent l'essentiel des régimes politiques se méfient de membres de leur intelligentsia. Ils sont persuadés que leur sens critique est générateur de désobéissance civile. Bien sûr pour des conditions matérielles et/ou l'accès à la recherche de pointe on voit que les pays nantis eux mêmes ont du mal à contrer l'exode de leur chercheurs vers des cieux plus propices. Mais il est certain, si il y avait une amélioration des libertés politiques et un sursaut de développement, que l'apport de milliers de cerveaux qui oeuvrent dans les pôles des pays du centre augmenterait massivement.

122. Actions
Créer en Afrique un environnement politique, social et économique propice à la réduction de la fuite des cerveaux et au flux des investissements dont le continent a tant besoin ;
Mettre en place une base de données fiable sur la fuite des cerveaux pour déterminer l'ampleur du problème et promouvoir la coordination et la collaboration entre les experts des pays d'origine et ceux de la diaspora ; Etablir des réseaux scientifiques et techniques pour favoriser le rapatriement des connaissances scientifiques dans les pays d'origine et promouvoir la coopération entre les experts des pays d'origine et ceux de la diaspora ; Veiller à ce que l'expertise des Africains installés
dans les pays développés soit utilisée dans le cadre de l'exécution de certains des projets
prévus dans le NOPADA.

Comment y arriver donc sans remettre en question les solutions défaillantes du nord même si elles sont reprises en écho au sud?
Le problème est que le NEPAD et sa recette de s'arrimer dans les conditionnalités de l'intégration dictée par la mondialisation néolibérale, aura du mal à créer cet environnement. A la faveur des ajustements , ces réformes ont rendu l'Etat plus autoritaire et l'enseignement général et universitaire en a pâtit. Par conséquent ce secteur, souvent plus conscient des enjeux de société, est en butte à des grèves reflétant le mécontentement social. On mesure combien la promesse des régimes politiques de descripser leur système et d'oeuvrer pour un réel développement est nécessaire à un tel projet.
Une recension est certes souhaitable pour obtenir une telle base de donées..
De plus en plus, les critères d'immigration dans les pays du centre se resserrent. Le contrôle des flux migratoires seront de plus en plus sélectifs, s'assurant de prendre la crème de nos élites et les travailleurs les plus compétents. La tendance sera d'ailleurs, de plus en plus, de voir les pays avancés conditionner leur asistance et collaboration à la rétention de l' immigration provenant des pays récipiendaires. Ceci est une contradiction avec la mondialisation qui accepte la circulation de biens et de capitaux et restreint celle des humains.
Privilégier dans cette coopération ceux qui, malgré les vicissitudes, ont persisté à entretenir des liens avec le continent. Etre conscient que les enfants de l'élite aura tendance à s'expatrier et, avec elle, des sommes importantes de fonds. Assurer un système de taxation sur les transferts de fonds hors d'Afrique et la levée de taxes sur les rentrées.. Assurer un système de bourse avec remboursement échelonné pour ceux qui en ont disposé et qui refusent de rentrer par la suite. Dans la collaboration escomptée avec l'élite expatriée, privilégier celle qui adhère aux projets panafricains, ou qui ont la capacité de rendre localement reproductibles leurs techniques et leur savoir faire..

iv) Santé
123. Objectifs
Renforcer les programmes de lutte contre les maladies transmissibles afin qu'ils soient à la hauteur de la tâche d'alléger le fardeau des maladies ; Disposer d'un système de soins de santé solide qui réponde aux besoins et qui appuie efficacement la lutte contre les maladies ; Assurer l'appui nécessaire au développement durable d'un système de soins de santé efficace; Habiliter les peuples d'Afrique à agir pour améliorer leur propre santé et assurer l'éducation sanitaire en Afrique ; Réussir à avoir un impact sur le fardeau de maladies qui pèse sur les personnes les plus pauvres en Afrique.

Pertinentes et urgentes ces mesures seront elles compatibles avec l'érosion des services publiques et l'avènement des services privés ou privatisés et la chèreté des médicaments. Dans une telle perspective, un système solide et accessible seulement à ceux qui pourraient en défrayer les coûts est davantage le gage de la perpétuation des pandémies. Il aurait été important d'insister spécifiquement dans les objectifs sur les deux fleaux que sont le VIH-SIDA et le paludisme. En terme d'objectif, il y a une différence entre "assurer l'appui nécessaire " et s'engager à développer durablement un système de soins de santé efficace. Une attitude résolue seule permettra de s'attaquer aux fléaux qui affectent les indigents.

124. Actions
Renforcer la participation de l'Afrique aux processus visant l'obtention de médicaments à des prix abordables, notamment ceux auxquels sont engagées les compagnies pharmaceutiques internationales et la société civile internationale et examiner les possibilités d'utiliser d'autres systèmes d'approvisionnement pour les médicaments et les fournitures essentiels ; Mobiliser les ressources requises pour intervenir de façon efficace contre les maladies et mettre en place de solides systèmes sanitaires ; Mener campagne en faveur d'un appui financier international accru pour lutter contre le VIH/SIDA et les autres maladies transmissibles ; Collaborer avec d'autres organisations internationales comme l'OMS et les bailleurs de fonds afin de s'assurer que l'appui au continent est accru pour atteindre au moins 10 milliards de dollars EU par an ; Encourager les pays africains à accorder la priorité aux soins de santé dans leurs propres budgets et à accroître progressivement ces budgets pour parvenir à un niveau déterminé d'un commun accord ;
Mobiliser conjointement des ressources pour consolider les capacités afin de permettre à tous les pays d'Afrique d'améliorer les infrastructures et la gestion des soins de santé.

La guerre économique et morale qui a opposé l'an dernier les pays africains, menés par l'Afrique du Sud, à des multinationales pharmaceutiques a dévoilé l'ampleur et l'urgence de ce problème. Nos pays doivent solidairement invoquer l'urgence et le caractère tragique de la situation pour que la propriété intellectuelle, les médicaments génériques permettent de pallier aux problèmes les plus actuels. La préservation des espaces de forêts et de savanes et la sauvegarde des plantes et des savoirs utiles à la pharmacopée, tout comme l'utilisation scientifique de cette dimension seront un atoût supplémentaire au système de santé.

125. L'Afrique est le domaine privilégié de graves maladies endémiques. Bactéries et parasites, portés par des insectes, des personnes en déplacement et autres vecteurs, y prospèrent, notamment grâce à la faiblesse des politiques écologiques et aux mauvaises conditions de vie des populations. Un des principaux obstacles aux efforts de développement en Afrique est la lourde incidence des maladies transmissibles, en particulier le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme. A moins que l'on ne mette un frein à ces épidémies pour ultérieurement les éradiquer, il restera impossible de véritablement mettre en valeur les ressources humaines du continent.

Comment générer de telles ressources et tant d'organisation lorsque les systèmes de santé sont sous financés et que les choix de développement économiques aggravent la condition des plus vulnérables? Comment augmenter les budgets de prévention, de lutte pour l'hygiène et ceux des soins généraux et spécifiques aux pandémies, lorsque les bailleurs de fonds et les gouvernements accordent des sommes insuffisantes. Les plus puissants du monde ne sont préoccupés que de protéger leur propre espace, en tentant de contenir les foyers d'épidémies, au lieu d'y consacrer l'énergie et les sommes nécessaires.

126. Dans le domaine de la santé, l'Afrique soutient fort mal la comparaison avec le reste de la communauté internationale. En 1997, les taux de mortalité des enfants et des adolescents y étaient respectivement de 105 et 169 pour mille par rapport à 6 et 7 pour mille dans les pays développés. L'espérance de vie y est de 48,9 ans par rapport à 77,7 dans les pays développés. Il n'y a que 16 médecins pour 100.000 habitants par rapport à 253 dans les pays industrialisés. La pauvreté, que reflète le très faible niveau de revenus par habitant, est un des principaux facteurs empêchant les
populations de surmonter leurs problèmes de santé.

La prise de conscience de l'ampleur dramatique du problème de la santé, comme le revèle ces statistiques, pourrait laisser croire que l'on a pris aussi conscience qu'un autre type de développement était nécessaire. Mais peu de moyens sont démontrés pour éradiquer ces freins au développement. Se comparer aux conditions de vie du monde prospère- qui a aussi ses propres problèmes de santé aggravés par le néolibéralime- sans se rendre compte que le revenu per capita des plus pauvres baissent irréversiblement en raison du néolibéralisme, rend plutôt cynique l'exercice statistique.

127. La nutrition affecte aussi la situation sanitaire. La consommation quotidienne moyenne de calorie va de 2.384 dans les pays à faibles revenus à 2846 dans les pays à revenus moyens et 3500 dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

128. La santé, que l'OMS définit comme étant un état complet de bien-être physique et mental, contribue à l'augmentation de la productivité et par conséquent à la croissance économique. Les effets les plus évidents de l'amélioration de la santé de la force de travail sont la diminution des journées de travail perdues pour cause de maladie, le relèvement de la productivité et la possibilité d'avoir des emplois mieux payés. En fin du compte, améliorer la santé et la nutrition contribue directement à relever le bien-être des populations, à arrêter la propagation des maladies, à diminuer les taux de mortalité infantile, à prolonger l'espérance de vie et à améliorer les capacités d'étude des jeunes scolarisés. On peut donc nettement établir le lien entre l'amélioration de la situation sanitaire et la lutte contre la pauvreté.

Dans les excédents de l'offre alimentaire mondiale, seuls à travers le monde les plus aisés peuvent s'empiffrer (plus de 130% des besoins). Il y en a une minorité en Afrique, mais il y a aussi de plus en plus de pauvres malnourris dans les pays de l'OCDE. Dans l'ère contemporaine, l'alimentation est devenue surtout synonyme d'accès au revenu, de pouvoir d'achat, de distribution et de répartition. Une sous alimentation qui s'enracine donc dans une mauvaise distribution entre pays, entre régions, entre ménages, entre hommes et femmes, entre adultes et enfants. Et tous ces paliers auront des incidences facheuses dans la santé des individus qu'ils soient riches ou pauvres, avec certes plus d'impact dans la situation sanitaire des pays plus vulnérables. En l'espace de vingt ans quelques 7 millions d'agriculteurs africains sont morts du SIDA. A cause de cette pandémie, dans plusieurs espaces du continent la productité à chuté de moitié. Une des plus grave crise alimentaire menaçant 13 millions de personnes couve en Afrique australe . La sécheresse et la chute de la production alimentaire sont en cause. Dans toutes ces zones vulnérables il va falloir privilégier l'amélioration de la condition des femmes qui donnent et entretiennent la vie. Là est le coeur de la solution pour un meilleur accès au revenu, à l'alimentation et aux soins.
Dès lors, que font les Etats et les tenants du NEPAD contre ces cercles vicieux? Rien dans le document puisqu'ils ne s'objectent pas à ce que le remboursement de la dette soit ponctionné aussi à même l'alimentation. Tout indique qu'on va continuer, à l'instar des 20 dernières années, ces ajustements. Ils ne vont pas lésiner à continer à aller chercher ces remboursements dans le panier des ménages, dans la réduction des dépenses sociales du secteur public en faveur des systèmes de santé et leurs employés, les écoles et autres lieux civiques de santé. Visiblement, les Etats ne prévoient pas non plus revenir à des systèmes de subventions alimentaires ou de soutiens aux producteur que leur coupent ou leur interdisent les bailleurs de fonds. Le gel des pouvoirs d'achat, la dévaluation de la monnaie font augmenter le prix des aliments et des médicaments. La malnutrition dans un tel contexte continuera à affecter la situation sanitaire. Au pays du G8 , et en particulier aux Etats Unis (qui au grand dam du monde entier viennent d'accorder des milliards à leurs agriculteurs) , il faudra reprocher le double jeu. On prône le libre-échange et on accuse le monde de protectionnisme et on y recourt systématiquement quand ça les arrange.