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NEPAD - Critique annotee -- Part 2 -- Appauvrissement historique du continent
NEPAD - Critique annotee -- Part 2 -- Appauvrissement historique du continent
L'appauvrissement historique du continent

16 L'appauvrissement du continent accentué par l'héritage du colonialisme, de la guerre froide, des rouages du système économique international et des insuffisances et faiblesses des politiques menés dans de nombreux pays après l'indépendance.

Formulation qui laisse sous-entendre, que le continent était initialement pauvre. Elle cache ensuite que la colonisation a appauvri le continent. La guerre froide a autant appauvri qu'enrichi des intérêts sur le continent. Ce ne sont pas les rouages, mais bien le système économique qui a accentué l'appauvrissement du continent. Enfin très grande indulgence pour les politiques internes menées, qui pour la plupart ont échoué parce qu'axées sur un mode néo-colonial de croissance.

17 Depuis des siècles, l'Afrique fournit main d'oeuvre et matières premières, une hémorragie de ressources. L'Afrique a raté à cette époque l'occasion d'utiliser les minerais et matières premières pour développer des industries de transformation, ainsi qu'une base humaine très qualifiée afin de soutenir la croissance et le développement. Par conséquent l'Afrique demeure le continent le plus pauvre même si elle est richement dotée.

L'époque en question n'est pas identifiée et la seule qui est mentionnée (depuis des siècles) n'aurait pas permis une telle transformation qualitative des forces productives. On y postule pourtant que le continent y a raté l'occasion de se développer (par industrie de transformation) et est restée pauvre.

18 Dans d'autres pays et d'autres continents, le contraire s'est produit. Une richesse a été injectée sous la forme d'investissements qui ont crée de plus grands volumes de richesses grâce à l'exportation des produits porteurs de valeur ajoutée. Il est temps que les ressources africaines soient exploitées pour développer la création de richesses sur le continent pour le bien-être de ses populations.

Ici comparaison n' est pas raison. Là où les investissements ont été réalisés pour des fins productives, c'est surtout ceux, qui ont été en position de les réaliser, qui en ont bénéficié. Or, ce sont souvent les mêmes qui historiquement ne l'ont pas fait en Afrique-ou insuffisament faits- et l'on fait ailleurs, soit parce que l'Afrique leur profitait déja ou n'était pas immédiatement rentable. De plus, plusieurs exemples historiques démontrent, à l'instar des Etats-Unis, de l'Allemagne, du Japon, de la Suisse, qu'il leur a fallu d'abord sélectivement déconnecter avec le marché mondial et s'en protéger en fortifiant leur marché intérieur. Ce n'est qu'après cela qu'ils ont pu se repositionner favorablement dans l'économie mondiale. Dans la période contemporaine récente, la force productive plus qualifiée et à bon marché de formations sociales du sud-est asiatique a permis l'injection d'investissements étrangers, joints à la participation de l'Etat et des bourgeoisies locales pour la création de ces valeurs ajoutées (la Corée et Taiwan bénéficiant d'un atoût géostratégique significatif). On peut d'ores et déjà se demander si, dans le contexte actuel, les investisseurs présumés pour l'Afrique retouveront une situation similaire, alors que leurs injections de capitaux engendrent une surproduction ailleurs, et que le seuil de rentabilité immédiate du continent demeure discutable. Il est clair que l'expansion capitaliste a eu des effets pervers et inverses dans les centres et les périphéries. Dans les centres, elle a favorisé la construction nationale et le renforcement social, elle a destructuré et freiné la construction nationale et sociale dans les périphéries. Cependant, nous adhérons à l'idée qu'il faille développer le potentiel du continent, mais dans la perspective qu'il serve avant tout ce dernier, plutôt que le marché mondial.

19 Le colonialisme a ébranlé les structures, institutions et valeurs préexistantes ou les a asservies aux besoins économiques des puissances impériales. Il a aussi retardé le développement d'une classe animée d'un esprit d'entreprise ainsi que d'une classe moyene dotée de compétences et de capacités de gestion.

Cet énoncé quoique consistant avec, la DIT et une certaine destructuration et cooptation des modes d'économie politiques pré-coloniaux embellit quand même l'histoire et récupère, en faveur du libéralisme, certaines pratiques commerciales existantes. La période de l'esclavage et les luttes de résistances à l'entreprise coloniale avaient déja considérablement destructurées les pouvoirs et les sociétés. De plus, beaucoup d'entre elles n'étaient pas pour autant des modèles d'égalité et de chances économiques et sociales. Même en tenant compte des acteurs du commerce lointain transaharien des marchands itinérants et certaines sociétés plus tournées vers l'échange, on a du mal à identifier cette classe d'entrepreneurs. Où a t-elle existé sinon dans l'imagination de ceux qui s'acharnent à vouloir démontrer une prédisposition managériale de l'africain? . A l'exception de certaines périodes, avec certaines couches du Bénin et de la côtes est-africaine, l'essentiel de ceux qui avaient les moyens de posséder avaient plus une inclinaison aristocratique qu'un esprit d'entreprise. Ce dernier esprit y a -t-il pour autant existé anthropologiquement? On évoque ensuite une classe moyenne qui a été retardée dans ses compétences et ses capacités de gestion. Cette classe existait- elle dans la période coloniale ? En d'autres mots, où existait cette classe moyenne dotée de compétence et de capacités de gestion retardée par la colonisation? N' est ce pas finalement plutôt les ajustements structurels qui ont laminé la classe moyenne, laquelle demeure d'édification récente dans l'histoire de l'Afrique?

20 La pénurie de professionnels qualifiés et faible classe capitaliste a abouti à un affaiblissement du processus d'accumulation. L'Afrique post-coloniale a hérité d'Etats faibles et d'économies en dysfonctionnement. Une situation aggravée par un leadership médiocre, la corruption et la mauvaise gouvernance dans de nombreux pays. Ces deux facteurs ainsi que les divisions causées par la guerre froide ont entravé l'avènement de gouvernements responsables sur le continent.

Ici encore, un énoncé répétitif qui mêle des causes et effets. Les élites qui ont bénéficié des indépendances négociées portent aussi la responsabilité du choix du micro-Etat extraverti. A l'exception de rares pays , il n'y avait pas de classe capitaliste, ni de bourgeoisie comme telle aux indépendances. Le processus d'accumulation, a été plutôt freiné par l'incapacité du nouvel Etat d'en maîtriser les conditions. En résumé, incapacité autant pour l'Etat que l'embryon de la bourgeoisie d'assurer une reproduction de la force de travail- autosuffisance vivrière et rentable et masse salariale conséquente- ; faible marché intérieur de biens de consommation de masse et incapacité d'être compétitif sur le marché mondial; incapacité d'exploiter ou de garder en réserve les ressources minières; incapacité de la reproduction technologique sans dépendance; incapacité d'une maîtrise de la centralisation du surplus orientant l'investissement.
Le leadership médiocre, la corruption et la mauvaise gouvernance ne sont pas chose du passé, mais bel et bien une propriété intrinsèque de la plupart des Etats. Ceci est le sort de l'Etat satellite et compradore qui a aussi la faculté d' instrumentaliser le chaos. Il est non démocratique et confisqué par des couches préoccupées par l'appropriation des moyens de pouvoir de puissance et d'enrichissement, alors que la guerre froide est révolue. Cette portion congrue du pouvoir effectif est laissée en retour d'un alignement sur l'intégration réservée par l'impérialisme dans l'économie monde.

21 Des gouvernements africains n'ont pas habilité leurs peuples à engager des initiatives de développement afin de réaliser leur potentiel créatif. La faiblesse de l'Etat demeure une contrainte majeure du développement durable dans un certain nombre de pays. Renforcer la capacité à gouverne et à mettre au point des politiques à long terme. Il est urgent d'y réaliser des réformes et des programmes.

On ne peut que reconnaître ici les faits tout en devant préciser les responsabilités. Lorsque des gouvernements africains ont été à l'écoute des besoins de leurs peuples, ils ont été bannis et combattus par les tenants de l'ordre mondial. Plus récemment, les ajustements structurels dans leur dimension économique tant que politique ont exigé le désengagement de l'Etat le renforcement institutionnel et la gouvernance en faveur du privé. Ce faisant, ils ont destructuré l'Etat, défiguré ses capacités redistributives et sa vocation sociale et ont tenté de le transformer en outil gestionnaire technique de la crise incapable de formuler de projets de société. Compte tenu des exigences du développement et de la reconstruction, il y a lieu de redonner plus de pouvoir à l'Etat de droit, sauf qu'il doit être démocratique assaini et responsable au préalable.

22 Les PAS n'ont fourni qu'une solution partielle. Ils ont promu des réformes tendant à éliminer de graves distorsions de prix mais n'ont pas acordé suffisament d'attention à la prestation de services sociaux. En conséquence, ces programmes n'ont permis qu'à un petit nombre de pays d'atteindre un niveau de croissance plus élevé durable.

Ici, un manque patent de courage politique et une volonté diplomatique de ne pas heurter les bailleurs de fonds maquillent les faits historiques observables. Un retour ne serait-ce que sur les demandes du CARPAS aurait été plus judicieux. La plupart des Etats ajustés ont, sous les sacrifices consentis, atteints des seuils de croissance supérieurs à ceux des pays industrialisés. Cela est certes insuffisant au regards de leurs impératifs. Ceci dit, ce jugement timoré de l'échec des ajustements structurels est une insulte aux masses africaines qui en ont pâties les premières. De plus, la dimension sociale des ajustements - bien repérée par la critique de l'UNICEF ( un ajustement à visage humain) n'est pas seule en cause, et elle a d'ailleurs hypocritement été récupérée par le soit-disant disant dimension sociale de l'ajustement des bailleurs de fonds. Du panier de la ménagère, en passant par tous les services sociaux, l'administration publique et la souveraineté des Etats, les Etats africains ont été recolonisés et dépréciés par ces programmes. En aucun cas ces programmes n'ont été une solution- fut elle partielle- car ils ont relegué le développement aux oubliettes au profit de l'hypothétique ajustement.

23 Le taux d'accumulation dans la phase post-coloniale a été insuffisant pour reconstruire les sociétés à la suite du sous-développement colonial ou pour maintenir l'amélioration du niveau de vie. Ceci a eu des effets suplémentaires sur le processus politique et a accru le népotisme et la corruption.

En accord avec cet énoncé, nous mentionnerons toutefois le caractère reversible de la proposition. Des systèmes politiques prédateurs ayant eu à grever le taux d'accumulation existant, en compromettant les niveaux de vie.

24 L'effet net de ces processus a été la perpétuation d'un cercle vicieux dans lequel le déclin économique, la capacité réduite et la gouvernance médiocre se renforcent, confirmant le rôle périphérique et de moins en moins important de l'Afrique dans l'économie mondiale. Au fil des siècles, l'Afrique a été définie, par nécessité, comme le continent marginalisé.

Cette formulation qui répète encore les causes qui se conjuguent pour favoriser la marginalisation finit par le constat qu'au bout du compte, l'Afrique a toujours été considérée marginalisée. On peut alors se poser la question de savoir de quand date cette marginalisation et à quoi elle correspond exactement? Nous considérons, que l'Afrique a été intégrée dans la mondialisation dès la montée en puissance du Portugal autour de 1490. Une insertion défavorable dès l'édification du capitalisme, qui s'est raffinée dans la phase coloniale. Ces deux phases intensives ont fragilisé l'insertion de l'Afrique dans la mondialisation.
Or, le constat du NOPADA semble davantage traduire la résignation de passive victime d'une globalisation en cours, qualifiée de mondialisation, où même la stratégie de sortie de crise est dictée par l'impérialisme. Le NOPADA dans ce cas , même formulée par des africains, se bornerait à être l'endogénéisation du discours dominant. Dans ce cas, il y a une reconnaissance de la quart-mondialisation de l'Afrique où les vecteurs du cercle vicieux sont quasiment des symptômes.
Pourquoi dès lors, ne pas pousser le raisonnement et voir plutôt, que cette marginalisation serait inhérente à l'expansion polarisante du capitalisme. Ainsi seule la période de la fin de la dernière guerre mondiale aurait permis, à la faveur des décolonisations, un espoir d'ouverture. Dans cet espace le front tiers-mondiste très vite fragmentée par les trajectoires différentes n'a pu empêcher le retour au cycle de marginalité. L'Afrique y resterait confinée tant qu'elle s'évertuera à vouloir, gràce à l'impérialisme capturer les forces productives inactives ou reproduisant des tâches de faible productivité. Seule une stratégie de plein emploi, axée sur un désengagement sélectif des relations extérieures défavorables conjuguée à la construction d'une autonomie collective dans une perspective progressiste, panafricaine de modernisation populaire, pourrait modifier les termes de cette marginalisation.

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Le NOPADA cherche à tirer parti des réalisations du passé et à les célébrer ainsi qu'à réfléchir sur les leçons tirées d'une expérience douloureuse afin de mettre sur pied un partenariat qui soit à la fois crèdible et réalisable. Ce faisant, nous enjoignons aux peuples et aux gouvernements d'Afrique de compendre que le développement est un processus de responsabilisation et d'autosuffisance. En conséquence, les africains ne doivent pas être les pupilles de gardiens bienveillants, mais plutôt les architectes d'une amélioration soutenue de leurs conditions de vie.,

On ne peut qu'être en accord avec ce libellé. Cet énoncé doit avant tout s'adresser aux concepteurs, afin qu'ils retravaillent leur document dans un tel esprit, et qu'ils ne paraissent pas en pupilles devant leurs gardiens à Kananaskis.

L'Afrique et la révolution mondiale

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Le monde s'est engagé dans une révolution économique.qui fournira le contexte et les moyens de modernisation de l'Afrique. Tandis que la mondialisation a augmenté le coût de l'incapacité de l'Afrique à faire concurrence, nous soutenons que les avantages d'une intégration gérée efficacement présentent les meilleurs perspectives pour une prospérité économique et une réduction de la pauvreté.
Cette révolution a été rendue possible par le progrès des technologies de l'information et de la communication abolissant les anciennes barrières de temps et espace.
L'intégration des systèmes nationaux a rendu possible le "découpage en chaînes de valeurs" dans un grand nombre de processus de production du secteur industriel et des services.
La grande mobilité des finances signifie que les emprunteurs rivalisent sur des marchés mondiaux plutôt que nationaux. Ces deux processus ont accru les coûts pour les pays qui sont incapables d'une concurrence réelle. L'Afrique a supporté ces coûts de façon disproportionnée.
C'est dans la répartitition des profits que le déséquilibre mondial est le plus flagrant. Les occasions d'accroître la richesse se sont accrus. Une plus grande intégration a aussi conduit à marginaliser davantage les pays incapables d'une concurrence réelle. En l'absence de règles mondiales justes et équitables, la mondialisation a accru la capacité des plus forts à promouvoir leurs intérêts au détriment des plus faibles. Elle a limité la capacité des pays en développement à contrôler leur propre développement.
L'incapacité de l'Afrique à exploiter les processus de la mondialisation résulte en partie d'obstacles structurels à la croissance et au développement que sont les sorties de ressources et les termes défavorables de l'échange. ..Les échecs des leaderships politiques et économiques dans de nombreux pays africains empêchent la mobilisation cohérente des ressources.
Le faible niveau d'activité signifie que les instruments nécessaires à l'injection véritable de fonds privés et à la prise de risques ne sont pas disponibles, ce qui résulte en un déclin supplémentaire. Dans un tel cycle qui se perpétue indéfiniment, la capacité de l'Afrique à répondre à la mondialisation est affaiblie, ce qui conduit à une marginalisation supplémentaire. La polarisation croissante de la richesse et de la pauvreté est l'un des nombreux processus qui ont accompagné la mondialisation et qui menacent sa viabilité.
Un effondrement financier majeur dans une grande partie du monde en développement a menacé la stabilité de l'économie mondiale.
L'accoissement rapide du nombre de personnes socialement exclues contribue à l'instabilité politique, à la guerre civile et aux conflits militaires et à nouveau mode de migration massive. L'acccroissement de la production industrielle et de la pauvreté contribuent à la dégradation environnementale..
L'amélioration du niveau de vie des marginalisés offre un énorme potentiel de croissance pour toute l'économie internationale, grace à la création de nouveaux marchés et à l'exploitation d'une capacité économique accrue.
L'impératif de développement est fondamental à la viabilité de la mondialisation qui est un produit des progrès scientifiques et technologiques imposés en grande partie par le marché, et dans le monde développé par le partenariat entre gouvernements et secteur privé pour ce qui est de la détermination de sa forme et de son contenu.
La communauté internationale a la capacité de créer les condititions justes et équitables dans lesquelles l'Afrique puisse participer réellement à l'économie et à la vie politique.


On a là de longs énoncés souvent pertinents. Ils traduisent cependant, à quelques endroits, les contradictions qui émaillent le document. D'une part, on a encore l' optimisme béat devant la mondialisation, qualifiée de révolution mondiale, bien que l'Afrique y est dépeinte comme n'y participant pas. En ramenant les choses à leurs justes proportions, la révolution mondiale semble davantage être le redéploiement d'un capitalisme technologique, dont l'élan des innovations et la spéculation financière déclasse l'Afrique. On escompte, en changeant certains termes de cette mondialisation, occasionner une modernisation du continent. La polarisation des richesses et des pauvretés est ce faisant, considérée banalement comme l'un des nombreux processus qui accompagnent la mondialisation et qui menacent sa viabilité. Préoccupés d'adoucir leur constat, les auteurs en viennent à défigurer les faits. La polarisation n'est pas un processus d'accompagnement de la mondialisation, mais bien la caractéristique fondamentale inhérente à l'expansion néolibérale. Elle produit bien la pauvreté dans l'opulence.
On cherche à appâter le capital en montrant comment l'amélioration du niveau de vie des exclus générera des retombées pour le marché lequel bénéficiera de la création de nouvelles zones d'échanges. Le marché est encore présenté comme la panacée .Non seulement on sous-estime les rapports sociaux qui strient ce marché et qui allouent les atôuts pour y faire affaire et prospérer. Mais on passe sous silence que la création de ces nouveaux besoins et de ces nouvelles croissance ne peuvent se faire qu'en portant d'autres atteintes à l'environnement.
Cette instrumentalisation des exclus amène la question de savoir ce que le NEPAD prévoit pour ces marginalisés. En fait, cette catégorie n'englobe pas que les paupérisés, il y a aussi d'autres catégories sociales, des minorités ethniques et linguistiques, des classes d'âges, et surtout plus grave des femmes. Quel est le degré de participation qui leur sera offert concrètement? Comment seront intégrés les millions de petits producteurs et commerçants de l'informel dans un tel marché?


III La nouvelle volonté politique des dirigeants africains

42 Reconnaissance de tentatives antérieures ayant échoué pour des raisons internes et externes incluant un degré de participation douteux des africains
43 Une nouvelle phase de mondialisation amène une redéfinition du développment de la démocratie et du gouvernement responsable garantissant une culture des droits et la participation du peuple.
44 De plus en plus de dirigeants sont élus démocratiquement et déclarent que les espoirs des peuples d'Afrique ne peuvent plus reposer sur la magnanimité d'autrui.

Un autre plaidoyer sans démonstration sur la rupture et l'innovation, ainsi que l'ère nouvelle en Afrique. Une nouvelle élite et une conjoncture mondiale disposant d'instruments plus performants pour le développement, la démocratie et les droits seraient advenus. Les populations désabusées ne demandent qu'à le croire et à le vivre, y compris dans certains pays dirigés par les rédacteurs du document.
La participation populaire en question était pourtant bien servie par la charte africaine qui lui était consacrée. Est-ce à dire, qu'à l'instar de programmes et stratégies encore pertinents, qu'on en fait table rase? N'y at-il pas eu un degré de participation douteux des africains dans la formulation du NEPAD lui même? Suivant son raisonnement ne risquerait il pas de pâtir à son tour des mêmes insuccès que ses prédécesseurs.
Quant aux espoirs des populations africaines, ils risquent bien une fois de plus, malgrè ce qui en est dit, d'être soumis à la magnanimité du G8 à Kananaskis. A ce titre, nos compatriotes anglophones qualifient le document de Knee pad- genouillère- pour railler cette soumission à l'approbation des tenants de la mondialisation

45 La démocratie continue à se propager sur le continent; l'union africaine est résolue à s'occuper des conflits et à censurer toute déviation par rapport à la norme. Ces efforts sont renforcés par les voix de la société civile. De plus en plus de gouvernements sont plus résolus à atteindre les objectifs de coopération et d'intégration régionale et continentale.

A l'instar de la démocratie, la quasi stagnation du processus d'Union africaine, en partie freinée par l'ambiguîté du NEPAD, est un éléments qu'il ne faudra pas sous-estimer. D'autant plus qu'on cherche en vain dans le document les mécanismes concrets qui permettraient la consolidation du panafricanisme au niveau régional et continental. Les récentes et louables médiations des rédacteurs du document dans plusieurs conflits ne peuvent remplacer une lacune qui apparaît dans le document comme dans la réalité. Ainsi au niveau de la question de l'interposition, du maintien de la paix, et de la reconstruction dans plusieurs conflits graves pour l'intégrité continentale (Sierra Leone-Libéria, Congo Grands Lacs; Angola; Soudan Ethiopie Erythrée); de la question de l'enrichissement illicite, des contrebandes d'armes et de matières premières on a un manque patent d'initiatives concrètes. Plus précisément l'impunité perdure. En terme de justice, que prévoit par exemple le NEPAD pour l'avènement d'une cour interafricaine de Justice tel que proposée au Caire en 1999.

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Le changement des conditions a été reconnu par des gouvernements du monde entier, la déclaration du millénaire des Nations Unies confirme l'empressement de la communauté mondiale à soutenir les efforts de l'Afrique.

Il n'y a rien de nouveau. A la suite des conférences populaires et des processus dits de démocratisation, à la chute de l'apartheid on a eu ce vent d'espoir aussi. L'ONU a bien consacré deux décennies du développement à l'Afrique. Cela ne signifie pas pour autant qu'il y aura un flux de capitaux vers le continent. Le foisonnement de déclarations sur l'Afrique et sur le développement, qu'il faudra maintenant traduire en réalité, est d'ailleurs symptomatique d'une communauté internationale qui s'offre des droits et non des devoirs.

47 Le NOPADA est axé sur la nécessité d'en assurer la propriété et la gestion aux africains. Grace au présent programe, les dirigeants de l'Afrique établissent l'ordre du jour du renouveau du continent. Cet ordre du jour se fonde sur les priorités nationales et régionales et les plans de développement qui doivent être mis au point au moyen d'un processus de démocratie directe et participative. Nous estimons que si ces plans donnent leurs mandats aux dirigeants africains, leur rôle est de les exprimer et d'en diriger la mise en application pour le compte de leur peuple.

Cette formulation est pour le moins surprenante et témoigne de l'unilatéralisme et de la volonté de ne pas faire paraître autocratique et cavalière une démarche qui l'est. Nul peuple africain n'a au préalable assigné cet ordre du jour du renouveau. Quel renouveau se ferait sur une base aussi tronquée que celle du néolibéralisme? Et comme pour se distancer de ce dernier voilà que resurgit le plan et la démocratie directe, qui en général ne font pas bon ménage avec le marché constamment brandi. On y apprend donc que la démarche qui n'est pourtant pas rétroactive obtiendra au préalable la caution populaire, ce qui légitimera le mandat des dirigeants africains. Dès lors pourquoi n'ont ils pas commencer par faire cela et avec l'aval des dimensions nationales puis régionales aboutir à une plateforme continentale qui aurait été le NOPADA? Ici la volonté d'aracher un blanc seing des populations africaines sera certainement repéré par la plupart d'entre elles.

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Ce programme constitue un nouveau cadre d'interaction avec le reste du monde, il est fondé sur un ordre du jour dont ont décidé les africains.

Il faut atteindre le point 48 pour avoir la première définition réelle de la nature du document. Il usurpe au passage le droit des africains de se prononcer. Ca non seulement les rédacteurs s'arrogent le droit de parler au nom des africains, mais ils vont jusqu'à affirmer que les africains ont décidé l'ordre du jour. Seul l'initiative et la volonté des rédacteurs auraient dû être mentionné, car non seulement les centaines de millions d'africain-e-s n'ont pas été consulté, et il n'ont jamais proposé un tel cadre d'action. Et en terme de démocratie directe, il ne serait pas improbable qu'ils désapprouvent le programme s'ils en comprennent bien la teneur.

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Pour réaliser ces objectifs les dirigeants africains devront assumer en commun un certain nombre de responsabilités: consolider les mécanismes de gestion de résolution des conflits et de maintien de la paix; promotion des droits de l'homme et démocratie directe; stabilité macro-économique et institutionnelle; cadres juridiques transparents et audits; revitaliser les services d'enseigement de formation et de santé avec emphase sur le paludisme et le SIDA; promotion du rôle des femmes dans le développement par l'éducation la formation le crèdit et la participation politique et économique; instituer et faire respecter la loi et l'ordre; promouvoir le développement des infrastructures de l'agriculture diversifiés pour les marchés lcaux et l'exportation..

On a ici un condensé classique des discours et conditionnalités de la Banque Mondiale ou de toute campagne électorale inféodée à ces exigences dans la plupart des pays du continent. En général, il s'agit de la liste de responsabilités auxquelles l'essentiel des Etats ont failli. L'enjeu sera comment assurer en commun, ce que l'Etat n' arrive pas à faire tout seul. Quand on sait comment l'Etat africain a été affaibli dans la dernière décennie, et le rôle qu'on escompte du marché,on ne peut qu' être sceptique devant une telle formulation et garder l'espoir que ce n'est pas seulement une déclaration d'intention. Il est notoire que les PAS avec leur désengagement de l'Etat , la libéralisation et le bradage des économies couronnés par la dépolitisation par la governance managériale ont destabilisé tous les pays qui les ont entrepris, y compris ceux considérés comme stables comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou le Zimbabwé..