Document Officiels -- Campagne Internationales Justice pour SANKARA
Thomas SANKARA -- Une vision du futur pour l’Afrique, et le tiers monde
Thomas SANKARA -- Une vision du futur pour l’Afrique, et le tiers monde
Thomas Sankara :
Une vision du futur pour l’Afrique, et le tiers monde.
Thomas Sankara est né le 21 décembre 1949 à Yako, au Burkina Faso, d’un père Peuhl et d’une mère More, deux groupes ethniques du pays. Ce petit État sahélien, situé dans la zone ouest-africaine est caractérisée par son extrême pauvreté avec un taux de mortalité infantile de l’ordre de 280 décès pour 1000 naissances, un revenu annuel de 150 $ par personne. Il est coincé dans une région souvent exposée a des cycles de sécheresse qui déciment une partie de sa population rurale et il fut longtemps le théâtre de secousses politiques résultant de la lutte acharnée de ses élites pour contrôler l’appareil d’État à des fins d’enrichissement personnel. En fait, cette pauvreté persistante pousse une grande partie de sa population à trouver refuge en Côte d’Ivoire voisine, pour servir de main-d’œuvre bon marché dans les plantations de cacao. L’arrivée de Thomas Sankara au pouvoir en août 1983, résultant d’un soulèvement populaire de la population Burkinabé suite a son arrestation en tant que ministre dans le gouvernement, fait suite donc a une série de coup d’états militaires, ayant plongé le pays dans une instabilité politique chronique. Ce nième coup d’état, orchestré par son ami de longue date Blaise Compaoré, allait cependant ouvrir une ère nouvelle qui fut annoncée des le début, comme l’avènement d’une révolution populaire nationale et démocratique. Le régime sankariste annonce ses couleurs en se solidarisant avec toutes les luttes des masses opprimées à travers le monde, et invite le peuple Burkinabé à retrousser les manches pour jeter les bases d’un développement endogène autocentré, s’appuyant sur leurs propres forces.
L’Afrique actuelle face à la mondialisation :
Près de 18 ans après la mort de Thomas Sankara, l’alternative qu’il a proposée continue de servir de modèle à la jeunesse africaine et du monde en quête d’un monde meilleur, marqué par des valeurs humanistes de solidarité dans la lutte contre l’impérialisme qui continue d’imposer par les armes ou par le chantage économique, ses méthodes néo-libérales dévastatrices, synonymes de contrôle des ressources nationales par les grandes multinationales du capital. De nos jours, ce contrôle se manifeste par l’entêtement des États-Unis à asseoir son contrôle sur les vastes ressources pétrolières de l’Irak et de la région du Golf, une tentative d’empêcher une propagation de la révolution bolivarienne au- delà du Venezuela, dans la région sud-américaine. Pour l’Afrique, la France et les États-Unis mènent une lutte de positionnement sans merci. La première tentant de consolider sa main-mise sur son « pré carré » constitué de ses anciennes colonies françaises, et le dernier essayant de trouver en l’Afrique une alternative à la région du Golf de plus en plus instable en terme d’accès aux sources d’énergie comme le pétrole, le coltan, etc.… C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la tentative de plus en plus visible des États-Unis, d’implanter en Afrique, de nouvelles bases militaires pour le contrôle de la région, et ce, sous le prétexte de la lutte anti terroriste. L’Afrique d’aujourd’hui, c’est aussi des hordes de jeunes désespérés, tentant vainement de s’infiltrer dans l’espace de l’Union européenne en prenant des risques énormes pour pénétrer en Europe, en reliant l’Espagne à partir du canal de Gibraltar, via le Maroc. Hélas de nombreuses vies se perdent dans la méditerranée durant ces tentatives de traversée. Face au désarroi de cette jeunesse africaine, jadis le moteur des luttes de libération pour l’accession à la souveraineté nationale, se trouve des élites boulimiques, accaparant les maigres richesses nationales encore disponibles, pour s’enrichir de façon éhontée, accumuler les capitaux volés dans des paradis fiscaux, envoyer leurs enfants acquérir une formation académique dans les plus grandes universités occidentales avant de les faire revenir pour perpétuer le système d’asservissement des masses populaires, ceci en étroite collaboration avec les puissances occidentales qui continuent de piller le continent en toute impunité.
Dès lors, l’alternative sankariste demeure de plus en plus pertinente au regard des enjeux de développement et de sauvegarde de la souveraineté. Une alternative panafricaniste et socialiste, orientée uniquement vers la satisfaction des masses africaines paupérisées par des décennies d’ajustement structurel qui n’ont eu comme résultat que d’assurer le paiement continu a des « bailleurs de fonds » véreux une soi-disant dette qui, non seulement est immorale parce que le triple de cette dette initialement contractée a été déjà remboursé, mais surtout, les fonds empruntés n’ont jamais été injectés dans les circuits économiques et sociaux des pays récipiendaires.


L’alternative sankariste :
Dès son arrivée au pouvoir, Sankara et ses camarades initient de façon concurrente plusieurs projets qui allaient transformer qualitativement les conditions d’existence des populations Burkinabé. Avec l’aide de quelques volontaires Cubains, 2,5 millions d’enfants ont été immunisés contre des maladies infectieuses qui d’habitude faisaient des ravages chez les enfants en bas âge. Les taux d’accès à l’éducation passent aussi de 12 a 22 % en l’espace de trois ans. En même temps une lutte acharnée a été menée pour contrer l’avancée du désert, ce qui s’est traduit par la plantation de 10 millions d’arbres.
L’événement qui a le plus marqué les consciences, et qui a contribué à un changement des mentalités des populations qui, jusqu’ici, étaient marquées par un ensemble de croyances issues d’un système féodal et archaïque, fut l’avènement des « mercredi de la femme » . Pendant ce jour de la semaine, les hommes devaient s’acquitter de toutes les tâches domestiques (nettoyage, faire les courses au marché, préparer à manger, etc.) afin de se familiariser avec les dures conditions dans lesquelles les femmes se débattaient chaque jour pour assurer le maintien de la famille dans des conditions décentes. Malgré quelques réticences dues à des conceptions archaïques de la division du travail au sein de l’espace familial, cette expérience a permis de sensibiliser d’avantage la société sur la nécessité de transformations qualitatives qui permettent à la femme africaine de trouver / retrouver une place prépondérante dans la société. Sans cette révolution culturelle qui doit embrasser tous les secteurs de la vie nationale, toute tentative de révolution sera tout sauf populaire, car maintenant presque une moitié de la population dans les liens d’asservissement.

Tout ce travail, initié par le leadership de la révolution, appuyé par les populations, était encadré par les CDR (Comités de Défense de la Révolution), qui à un certain moment, il faut le reconnaître, étaient infiltrés par tout un tas d’éléments opportunistes qui utilisaient leur position au sein de ces structures pour abuser les populations. Ces abus, conjugués à une manipulation sournoise orchestrée par Blaise Compaoré dénigrant les origines mixtes de Sankara et un soi-disant abus de pouvoir de sa part, créa l’atmosphère délétère qui culminera avec l’assassinat de Sankara le15 octobre 1987 par les hommes de Compaoré aidés en cela par des mercenaires libériens proches de l’ancien dictateur libérien Charles Taylor.

Les deux autres camarades de Sankara, Zongo et Lingani, qui constituaient le quartet du leadership de la révolution, manipulés par Compaoré, n’ont pas levé le plus petit doigt après l’assassinat de Thomas. Ils furent à leur tour éliminés quelques années plus tard par le même Compaoré.

Cette expérience de 4 ans de la révolution Burkinabé a cependant réussi à réaliser ce qu’aucune dictature ne peut éradiquer : Rendre au peuple Burkinabé sa dignité perdue après des siècles d’humiliation et d’exploitation par le colonialisme et les élites de la période post-indépendance. L’amélioration des conditions de vie des Burkinabés dont le régime se targue jusqu'à présent, n’est rien d’autre que le fruit récolté après ces quatre années qu’a duré la révolution sankariste, avec la construction à travers le pays de plusieurs digues de rétention d’eau, pour permettre aux populations rurales de pratiquer plusieurs cultures pendant l’année, accroissant ainsi leurs sources de revenu. La capitale Ouagadougou fut également complètement transformée avec la construction des cités de la révolution, et la réalisation d’un ambitieux programme d’assainissement des quartiers populaires, jadis des ghettos. Sur le front culturel, l’émergence du théâtre populaire, le cinéma ne sont que deux exemples illustrant la pertinence du projet sankariste qui gagnerait à être vulgarisé au sein des jeunesses africaines, pour convaincre les plus sceptiques, « qu’un autre monde est possible ».

Le dénouement de cette expérience, aussi douloureuse soit-elle, doit aussi nous amener à approfondir la réflexion sur le cadre organisationnel le plus apte à mener à bien un tel projet de transformation radicale des sociétés africaines. Comme me le disait récemment un ami, « la volonté de changement ne suffit pas, il faut aussi les moyens ». Et le premier moyen indispensable à une telle expérience, demeure la mise en place d’une organisation dotée d’un leadership qui colle aux réalités et aspirations des masses populaires et prêt à sacrifier ses intérêts de classe comme dirait Amilcar Cabral, en faveur des intérêts des masses populaires. Et en cela, Thomas Sankara a ouvert une voie. Aux générations futures de la perpétuer en l’enrichissant au passage de toutes les expériences révolutionnaires à travers le monde.

Ameth LO
Le 15 octobre 2005
GRILA Toronto