Les opinions exprimées ici ne sont pas nécessairement celles du GRILA
Il y a 20 ans, disparaissait Cheikh Anta Diop (Ababacar Faa Barros)
Il y a 20 ans, disparaissait Cheikh Anta Diop (Ababacar Faa Barros)
Il y a 20 ans, disparaissait Cheikh Anta Diop
Voici vingt ans, que Cheikh Anta Diop nous quittait. Que dire de l’homme à l’occasion de la commémoration de l’anniversaire de sa mort, sinon que les pages de tous les quotidiens et hebdomadaire du 7 février, ne suffiraient pour parler de toute l’œuvre de ce savant reconnu à travers le monde, mais ignoré, et pour cause, par certains des siens.
De méchants « intellectuels » pouvoiristes, à qui il portait ombrage, très certainement, ne lui ont jamais pardonné son érudition, son engagement pour décomplexer son peuple en lui fournissant des armes pour sa libération, sa renaissance.« Ce qui est sûr, c’est que Cheikh Anta Diop a été longtemps ostracisé, aussi bien dans son propre pays, qu’à l’étranger. Mais surtout dans les citadelles impérialistes et dans son propre pays, son œuvre n’a été réellement vulgarisée, ou bien disons qu’elle n’a pas eu toute la place qui lui revenait ». (…), disait le Pr d’histoire Boubacar Diop, dit Buuba, dans une interview accordée à Cheikh Tidiane Gadio, à l’éphémère Revue « Tribune Africaine » n°1 du 1er trimestre 1983, qui paraissait à Paris dans les années 80’. Il suffit de se rappeler de la situation déplorable dans laquelle se trouvait au 22 janvier 2003, le Laboratoire Carbonne 14, créée C.A.Diop, et que dénonçait (v. Walf du mercredi 5 février 2003), M. Ibrahima Sagna, Maître Assistant de recherche à l’Ifan U.C.A.D de Dakar, pour se convaincre des attaques sournoises et ouvertes contre l’œuvre de Cheikh Anta. Mais à côté de ses adversaires, la plupart de ceux qui se réclament de son héritage, au lieu de se mobiliser pour bâtir quelque chose de tangible (Fondations, films, publications, symposiums, colloques etc.), pour vulgariser, perpétuer l’œuvre du grand disparu, passent le plus clair de leur temps à s’entredéchirer de manière politicienne, pour s’approprier de l’icône de l'historien.

Ne pouvant tout dire, ici et maintenant, sur tous les travaux de l’homme de science, contentons-nous de quelques thèmes de ses œuvres qui nous projettent dans l’actualité et dans notre vécu quotidien. Notamment, l’unité, et le développement de l’Afrique, la promotion de ses langues. Mais auparavant, cédons la place à son fils Cheikh Mbacké Diop, pour qu’il nous rappelle ces œuvres que sont :
Nations nègres et Culture, Paris, Présence Africaine, 1954, 1964, 1979.
L'Unité culturelle de l'Afrique noire, Paris, Présence Africaine, 1959, 1982.
L'Afrique noire précoloniale, Paris, Présence Africaine, 1960, 1987.
Antériorité des civilisations nègres, mythe ou vérité historique ?, Paris, Présence Africaine, 1967, 1993.
L'Antiquité africaine par l'image, Dakar-Abidjan, IFAN-NEA, Notes Africaines, n°145-146, janvier-avril 1975.Deuxième édition quadrilingue français, anglais, pulaar, wolof, Paris, Présence Africaine, 1998.
Parenté génétique de l'égyptien pharaonique et des langues négro-africaines, Dakar, IFAN-NEA, 1977.
Civilisation ou Barbarie, Paris, Présence Africaine, 1981, 1988.
Nouvelles recherches sur l'égyptien ancien et les langues négro-africaines modernes, Paris,
Présence Africaine, 1988.
Les fondements culturels, techniques et industriels d'un futur État fédéral d'Afrique noire,
Paris, Présence Africaine, 1960. Réédition sous le titre : Les fondements économiques et culturels d'un État fédéral d'Afrique Noire, 1974.
Le laboratoire du radiocarbone de l'IFAN, Dakar, Catalogues et Documents n° 21, IFAN, 1968.
Physique nucléaire et chronologie absolue, Dakar, Initiations et études africaines n°XXXI,
Université de Dakar, IFAN, NEA-IFAN, 1974.
Alerte sous les Tropiques – Culture et Développement en Afrique noire – Articles 1946-1960,
Paris, Présence Africaine, 1988. Cf. ci-après articles marqués d'un astérisque.
La suite, se reporter au site : www.ankholine.com

Une œuvre abondante, mais ignorée presque par la majorité des Sénégalais et des Africains. Non pas par indifférence ou paresse intellectuelle, mais pour les raisons soulignées plus haut, liées à l’ostracisme, à la politique de sape de l’éducation, mais aussi par le faible niveau du pouvoir d’achat des étudiants, en particulier, et du peuple intellectuel, en général.
Cela dit, au regard de l’actualité ponctuée par la dernière réunion de l’UA, (l’Union Africaine), on ne peut manquer de faire référence à cette importante contribution de notre ami José Do Nascimento, publiée dans la revue précitée, sous le titre : « Actualité de la pensée politique de Cheikh Anta Diop ». contribution dans laquelle il note que : « On ne tient pas assez compte, à mon avis, que toute la production de C. A. Diop est une production en vue de l’action. Il est étonnant que la critique féconde ne se porte pas aussi sur un de ses ouvrages clés (Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral de l’Afrique noire), dans lequel il propose 14 points essentiels comme principe de base d’une action concrète », note Do Nascimento. C’est pourquoi, Buuba Diop n’a pas manqué pour sa part de souligner à juste titre, que « discuter de l’œuvre de C. A. Diop, c’est aussi discuter du présent et de l’avenir de l’Afrique ». Tout un chacun parle en ce moment de vision, des visions d’un tel, ou tel. Mais comment peut-on parler de « vision » sur l’Afrique, de « destin », de « renaissance » de l’Afrique, « de la stratégie des Etats Unis d’Afrique » en occultant ou en feignant d’occulter les visions du savant africain sur ces questions ? Devrait-on « réinventer la roue » pour uniquement se faire voir, pour être reconnu ? L’ouvrage, « Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire », dans lequel les fondements de l’unité du Continent sont posés, a été écrit, par Cheikh, il y a 46 ans. Mais pourquoi la classe dirigeante africaine, depuis lors, est à la remorque des thèses des puissances colonisatrices de l’Afrique, et refuse de regarder du côté de celles de leur compatriote ? Parce que tout simplement, selon notre ami Abdou Lat-Fatim Ngom, disciple du Professeur, « Les dirigeants africains colonisés hier, néo-colonisés aujourd’hui, sont inaptes à réaliser cette œuvre (l’Unité) patriotique africaine ». Peut-on le contredire, dans la mesure ou tout a été dit et fait pour torpiller, avec la complicité de ces gens-là, notre marche vers cette unité. Et cela on le constate au plan historique et culturel, d’abord. Au plan politique et économique, ensuite. Cette « Négritude » abondamment médiatisée par un poète-Président, ainsi que la Francophonie sont des éléments constitutifs du dispositif visant à refréner cette marche vers l’unité africaine véritable. Ces deux catégories idéologiques avaient et ont toujours pour fonction de divertir, corrompre les consciences les plus perméables à l’entreprise de saccage. A ce propos de cette « Négritude », Do Nascimento averti que : « l’initiative de C. A. Diop n’a rien à voir, ni de près, ni de loin, avec la négritude (5). Face à lune falsification de l’histoire des origines de l’humanité en général et de l’histoire africaine en particulier, il a contribué au rétablissement de la vérité historique » (….). Auparavant, Do Nas a eu à préciser, toujours au sujet de la « négritude soporifique », « Qu’elle soit historique, révolutionnaire, en noisette ou en chocolat, sa réalité demeure celle de l’idéologie d’une catégorie sociale crée par le pouvoir colonial pour les besoins de son administration. Idéologie d’une catégorie sociale, culturellement apatride, politiquement sans représentation légitime, si ce n’est la représentation de ses propres aspirations ». Puis il dévoile la stratégie et la tactique du colon qui tient compte aussi des aspirations des colonisés : « Profitant qu’à l’issue de la lutte de libération, elle serait seule à utiliser l’appareil d’Etat et les instruments dont se servait l’Etat contre le peuple, très tôt, en quête de privilèges et de reconnaissances sociales, elle se présentera comme la voix des sans voix, comme représentante légitime des peuples africains. De fait, elle dépossédera les masses africaines de leur action contestatrice, en usurpant à celle-ci, le droit politique à l’initiative historique octroyée par un pouvoir colonial en perte de vitesse devant la marche forcenée des peuples colonisés vers la conquête de leur liberté. La preuve en est que, si cette catégorie sociale a trouvé et trouve encore son compte dans la société néocoloniale, il n’en est pas allé de même (il n’en va toujours pas d’ailleurs) pour les masses africaines qui s’interrogent encore, sur la farce que leur a joué l’indépendance nationale ».
Au moment où, trente ans après le premier Festival, un Président qui veut lui aussi entrer dans l’histoire, aidés en cela par des festivaliers, poètes, enthousiastes et nostalgiques organise, « son » festival mondial des arts nègres aux allures plus politiciennes que culturelles, parce que curieusement bien calé dans une année électorale, il n’est pas superflu de faire entendre ce son de cloche, que n’entendent pas souvent les jeunes de la génération actuelle. Au plan économique, beaucoup des discours ont été faits sur la « balkanisation » de l’Afrique, puis sur les « cercles concentriques ». Mais ce qui conforte les thèses de Ngom, c’est l’exemple qu’on peut tirer de la liquidation systématique de la compagnie Air Afrique, institution d’intégration et son remplacement par de compagnies nationales placées entre les mains de « partenaires stratégiques », la survivance de ce compte d’opération entre le trésor français et les Etats de l’Uemoa, malgré la phraséologie dithyrambique de certains économistes, au niveau de la Cedeao. La mise en valeur des cultures industrielles de rentes, spéculatives, par des multinationales au détriment de celles permettant d’assurer notre indépendance et notre souveraineté alimentaires, suffit pour démontrer que la classe dirigeante africaine, n’a ni l’esprit, ni le cœur au développement de l’Afrique, encore moins à son unité. Ceci malgré ses potentialités hydriques et la qualité de nos techniciens. On a comme l’impression que la misère et la pauvreté sont devenues pour ces dirigeants, des catégories économiques intéressantes, pour embellir le taux de croissance de « leurs économies captives » et plaire du coup les institutions de Bretton Woods, qui distribuent des notes en les bons et mauvais élèves. Que dire des « Conventions – Rome-Yaoundé-Bruxelles, conventions d’aliénations appelées d’ « associations », genre ?
Dakar, le 30 janvier 2006
Ababacar Fall-Barros
Membre du Groupe de Recherche et
d’Initiative pour la Libération de l’Afrique (GRILA)
Sicap-Dakar (Sénégal)
This opinion article was written by a independent writer. The opinions and views expressed herein are those of the author and are not necessarily intended to reflect those of GRILA