Archives du GRILA
NEPAD - Critique annotee -- Part 3 -- Appel aux peuples africains
NEPAD - Critique annotee -- Part 3 -- Appel aux peuples africains
IV L'appel aux peuples africains

50 La réussite du projet de renaissance africaine depend d'une économie africaine forte et compétitive.
51Les peuples unis dans leur diversité doivent se l'approprier.
52 Bien mobilisées les ressources permettront une croissance équitable et durable et à l'intégration.
53 Nos peuples doivent reprendre confiance en leur génie et participer à l'édification du renouveau qui est la traduction de leurs aspirations.
54Le succès de efforts de nos dirigeants dépend de l'engagement de nos peuples à prendre en main leur propre destin.
55 Les dirigeants politiques lancent à tous les peuples du continent un appel pour qu'ils prennent conscience de la gravité de la situation et de se mobiliser pour mettre un terme à la marginalisation et au fossé qui le sépare du monde développé
56 mise sur pied à tous les niveaux de mécanismes pour relever le défi
57 Les dirigeants sont conscients qu le vrai génie d'un peuple se mesure à sa capacité à mener une reflexion audacieuse et innovatrice et à sa détermination à appuyer les efforts de développement.
58 Les dirigeants africains sont convaincus que le continent dont le processus de développement a été caractérisés par des faux départs et des échecs sera courronné de succès avec la présente initiative.


Cet appel devrait à notre sens avant tout s'adresser aux dirigeants africains qui portent, avant leur peuple, la responsabilité des échecs. On a plutôt l'impression que soudain, ils réalisent la condition de leurs peuples. En plus, à la limite du paternalisme, l'appel donne l'impression que nos populations ont renoncé à assumer leur destin et ont perdu confiance en leur génie. Ce dernier est quotidiennement brandie par les populations africaines qui luttent pour la survie comme pour la vie. Qui, plus qu'elles, du fait de la dégradation dramatique de leur condition de vie, est conscient de la gravité de la situation? C' est leur optimisme et leur volonté de s'en sortir qui jusque là ont empêché le continent de sombrer sous la voracité des prédations, des pillages de ressources et du mal-développement. Si les leaders sont conscients que le vrai génie d'un peuple se mesure à sa capacité à mener une réflexion audacieuse et innovatrice, pourquoi n'y ont ils pas recouru pour la formulation du NEPAD. Et maintenant qu' il est trop tard, sont ils prêts à le lui soumettre, pour amendements et réformes, afin qu'il se sente responsable et participant engagé?
Quant à la croissance durable et équitable il est illusoire de croire qu'elle soit compatible avec l'intégration accélérée dans la mondialisation en cours.
La certitude des leaders qu' ils tiennent dorènavant des garanties contre un faux départ devrait être compensée par l'humilité de constater les carences de leur attelage. Les peuples ne sont plus dupes pour embarquer dans une aventureuse expédition dont ils ne contrôlent ni la direction ni les moyens d'y accéder.

V Programme d'action: Stratégie africaine pour assurer un développement durable au 21 ème siècle.

C'est sans doute la partie du continent la plus connue et aussi la plus intéressante. Elle est la conséquence logique de ce qui précède. La stratégie reste plus que louable. Elle reprend plusieurs enjeux du développement déja connus, et essentiels.aux ajustements structurels, qu'elle amalgame aux aspirations des masses africaines. Il en résulte une ambivalence.

59 Dans son approche et sa stratégie, le NOPADA diffère de tous les plans et initiatives antérieurs visant à promouvoir le développement du continent, bien que les problèmes qu'elle cherche à résoudre demeurent les mêmes.

Ici, il y a une tentative de distanciation des autres initiatives, malgrè la persistance des mêmes problèmes à résoudre. En réalité, la plupart des problèmes que voulaient surmonter les autres plans se sont accrus et complexifiés. L'approche nouvelle se veut en symbiose avec la mondialisation. Ce faisant, elle sacrifie certains acquis, par exemple le consensus international obtenu sur la dette, ou l'ignorance des efets catastrophiques des ajustements structurels sur les populations.

60 Le NOPADA se veut une vision à long terme du programme de développement de l'Afrique par les africains.

Une seconde définition du programme dit de développement. Il demeure une vision de longue portée conçue par les Africains.

61 Le programme est axé sur 9 domaines prioritaires présentés de la même manière que dans la stratégie proposée. Il identifie les activités à entreprendre à court terme, bien que ces activités soient de plus longue portée.

Quels sont donc les 9 domaines prioritaires, qui d'ailleurs ne sont pas mentionnés ni énumérés dans la version anglaise? Le lecteur qui ignore toujours comment et pourquoi ont été retenu les 9 domaines en question doit tenter de les deviner. L'exercice est fastidieux. Puisque l'organisation du document semble confuse, repérons nous dans la table des matières. C'est encore plus nébuleux. Le programme d'action et la stratégie sont confondus, et on retient qu'il y a 6 priorités sectorielles. Dans l'une de ces priorités- B1-infrastructures- il y a 5 sous catégories. Dans B2 -ressources humaines- 4 autres catégories. Si on conclut qu'on a là les 9 domaines, on déchante à la découvertes de 9 autres domaines. Ils sont listées dans l'initiative pour l'accès au marché. Dans les approches régionales et sous régionales de développement au point 94, il y a aussi 7 domaines . Laquelle des catégories est la bonne?


62 Bien que le financement à long terme soit prévu dans le cadre de l'Initiative, il faudrait cependant dans l'immédiat, exécuter rapidement les projets visant à éradiquer la pauvreté sur le continent et à placer les pays africains, individuellement et collectivement, sur la voie de la croissance et d'un développement durable pour mettre un terme à la marginalisation de l'Afrique dans le contexte de la mondialisation.

Ici on a un amalgame entre le court et le moyen terme de la stratégie et des grands objectifs . L'urgence de réaliser les projets veut justifier la hauteur du financement à court terme. On a aucune piste de l'importance de ce financement. La prétention d'éradiquer rapidement la pauvreté grace aux projets n'est pas sans rappeler le discours PRSP de la Banque mondiale. Un signe patent de l'internalisation de la démarche des bailleurs de fonds qui veulent parachever leurs réformes défaillantes par le lubrifiant que constituent ces PRSP.

63 Bien qu'il existe d'autres priorités urgentes, celles qui ont été retenues dans le Programme d'action auront un effet catalyseur pour les interventions futures dans les autres domaines prioritaires.

Bien sûr le lecteur attend toujours de savoir quel sont les domaines prioritaires et les autres essentiels qui n'ont pas été retenus. Il est difficile d'imaginer un efet d'entrainement sans eux.

64 Les taux de croissance revêtent certes une importance, mais ils ne permettent pas à eux seuls aux pays africains de réaliser l'objectif de la réduction de la pauvreté. Le défi ...est de se doter de la capacité de maintenir la coissance aux niveaux requis... d'autres facteurs sont à considérer: le développement des infrastructures, l'accumulation du capital, les ressources humaines, les institutions, la diversification structurelle, la compétitivité, la santé et la salubrité de l'environnement.

A peine est on soulagé de constater que la croissance n'est pas la seule considération de ce plan, qu'elle réapparait sous un autre angle. Son lien dans l'actuelle mondialisation avec certains des autres facteurs retenus- l'accumulation, la compétitivité, les infrastructures et la diversification structurelle- ramène pratiquement à la considérer de nouveau comme l'essentiel de la stratégie.


65 L'objectif du NOPADA est d'imprimer un nouvel élan au développement du continent en comblant l'écart dans les secteurs prioritaires, afin de permettre à l'Afrique de rattrapper son retard par rapport aux régions développées du monde.

Au point 2, nous avons déja souligné en quoi cette vision du rattrappage est ahistorique, évolutionniste et erronée.

66 La vision à long terme nécessite des investissements massifs et importants pour combler l'écart actuel. A cet égard, le défi à relever par l'Afrique consiste à mobilliser les ressources nécessaires dans les meilleures conditions possibles. Nous lançons donc un appel à nos partenaires de développement pour qu'ils nous apportent une assistance dans nos efforts.

Ceci est l'aveu de la nature réelle de ce programme. D'une part après avoir tenté ( point 3) de se distancer du dit binôme aide et crèdit, voilà qu'on y revient de plus bel. Cet appel à un "plan Marshall" pour l'Afrique , rejeté par l'impérialisme qui obtient déja ce qu'il veut du continent sans y recourir, n'est il pas surprenant? Quels sont ces meilleures conditions de financement pour combler l'écart actuel? Le G8 peut-il acquiescer à des investissements massifs de surcroit aux meilleures conditions possibles? Il serait illusoire de le croire.

67 Objectifs à long terme
-éradiquer la pauvreté, placer individuellement et collectivement les pays sur une croissance et un développement durable pour réduire l'écart
- Promouvoir le rôle des femmes dans toutes les activités.

Deux incantations listées à long terme. La promotion de la condition feminine est une exigence du présent et son utilisation instrumentale sans spécification du comment reste superficielle. Il est clair que l'absence d' emphase feministe dans le document ne peut être compensée par cet énoncé. Les femmes forment de loin les plus pauvres des africains. Le document ne cerne pas ce qui contribue à leur marginalisation et les mesures plus loin qui seront retenues -accès aux activités produisant du revenu, plus de participation- seront certainement insiffisantes pour atteindre le but énoncé. En fait , le paradigme des mesures et beaucoup de ces dernières ont contribué dans le passé à accentuer la marinalisation des femmes.Un renouveau du discours et des pratiques est dès lors essentiel. Il passe par un changement des mentalités maculines . L'accès égal aux biens et services et aux chances sociales sont des impératifs qui doivent être l'armature d'une série de mesures volontaristes urgentes.

68 Buts
Croissance annuelle de 7% pendant 15 ans
Objectifs convenus de développment international: réduire de moitié de 1990 à 2015 le pourcentage d'extrême pauvreté; scolarisation des enfants au primaire d'ici l'an 2015; progresser vers l'égalité des sexes et habiliter les femmes en supprimant les disparités entre les sexes à l'inscription au primaire et au secondaire d'ici 2015; reduction du taux de mortalité infantile et post infantile de 2/3 de 1990 à 2015. Réduire le taux de mortalité à la maternité des ¾ de 1990 à 2015, Accès à ceux qui en ont besoin aux services de santé génésique d'ici 2015; dès 2005 mettre des stratégie de développement durable pour que les pertes écologiques aient été compensée d'ici 2015.


Rien que les deux premiers buts exigent selon le document (144) la réduction de 12% de déficit du PIB annuel. soit 64 Milliards de $. De telles sommes seraient à récolter dans l'épargne domestique, les recettes fiscales , la réduction de la dette extérieure et l'APD. Cette dernière a été constamment réduite ces dernières années et rien n'augure un changement majeur. Il est louable que l'épargne intérieure soit sollicitée, ce serait un signe de compter un peu plus sur ses propres forces. Mais cette épargne étant inférieure aux capitaux d'investissement, est ce à dire que l'emphase sur le marché ne risque pas de la faire encore reposer sur l'assiette fiscale des plus pauvres, et donc hypothéquer les mêmes buts que l'on veut atteindre? Il serait donc difficile de concrétiser les objectifs dont le temps imparti (1990-2015) est déja dépassée de moitié. En sous-estimant la contrainte du temps, et surtout en mimisant les contraintes extérieures qui entravent son développement, le plan livre le continent aux grand capital et aux institutions spécialisées qui le desservent. Pour atteindre les buts fixés, la dette ne peut qu'être annulée.. De même, le niveau de croissance exigé, soit le double des meilleures moyennes actuelles sur 15 ans suppose que le marché international soit preneur de tout ce qui est produit. Ce n'est pas le marché international actuel qui garantit cela.

69 Les résultats de cette stratégie :
croissance économique, développement et augmentation des emplois; réduction de la pauvreté et des inégalités; diversification des activités de production, de la compétitivité des exportations; meilleure intégration de l'Afrique.

Sortir des spécialisations néo-coloniales de production par une diversification ( susceptible de maintenir un taux de croissance supérieur à la moyenne mondiale pendant 15 ans) et de surcroit éviter que les pays africains ne s'y concurrencent (puisqu'on postule la meilleure intégration continentale) apparaît grandiose, en l'absence d'une démonstration du comment. On peut déduire qu'augmentation de l'emploi, ne signifie pas pour autant stratégie de plein emploi,et que la croissance sans redistribution n'est pas non plus développement. Il est plus probable que le cadre de l'OMC et des institutions spécialisés serve de balise à cette stratégie, qui accentuera la crise économique et maintiendra indéfiniment le continent sous leur perfusion.


70 A moins de mesures novatrices et radicales, les objectifs ne seront pas atteints. Un programme qui se fonde sur un programme d'action permettra d'atteindre les objectifs de développement international et la croissance.

Les véritables mesures radicales et novatrices exigent d'une part: au niveau international; à suspendre les PAS, à réformer le système monétaire international, à démocratiser les institution financières internationales, à annuler la dette et à rompre liens liens occultes entre le grand capital et les régimes qui illicitement pillent les ressources du continent. D'autre part au niveau interne, à démocratiser en profondeur les formations sociales, à orienter le développement sur la satisfaction des besoins essentiels et la redistribution plus équitable (socialement et sexuellement) des ressources. A mettre en pratique une coopération régionale et continentale basée sur le développement d'une autonomie collective articulée sur une agriculture et une industrie satifaisant prioritairement les biens intérieurs de consommation de masse.


A Conditions requises pour réaliser un développement durable

A 1 Initiative pour la paix et la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance

71 L'expérience a appris aux dirigeants africains, que la paix , la sécurité, la démocratie et une bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme et une saine gestion économique sont les conditions préalables indispensables au développement durable. Ils s'engagent à promouvoir individuelement et collectivement ces principes, dans leur pays, leur région et le continent.


Il serait interessant ici de savoir de quelle expérience et quels leaders africains il s'agit. Il n'y a eu aucune exception continentale en la matière qui puisse se targuer d'avoir existé. On peut aussi s'interroger sur la paix pour qui , la sécurité de qui? On peut s'interroger sur la governance réduite à la version technocratique d'un Etat délesté de ses prérogatives et transformé en gestionnaire. Un tel engagement solennel, que reprend chaque leader africain lorsqu'il prête son serment d'investiture, doit désormais laisser perplexes nos populations qui attendent des actions pour y croire.

72 Initiative pour la paix et la sécurité

Consiste en
-promotion des conditions qui favorisent le développement et la sécurité;
-la consolidation des capacités d'alerte des institutions africaines, leur prévention et leur gestion des conflits
-l'institutionnalisation des engagements envers les valeurs essentielles du NOPADA par le biais de ses dirigeants.

73 Les conditions à long terme nécessitent des mesures pour combattre les vulnérabilités politiques et sociales à l'origine des conflits. Celles ci sont abordées dans les initiatives de gouvernance, de flux de capitaux, d'accès au marché et de valorisation des ressources humaines.

Même en admettant que la situation de la paix et de la sécurité se rapporte à ces trois paramètres, on peut constater ce qui suit. D'une part, il n'y a aucune allusion sur les pressions externes qui alimentent les conflits africains. On souscrit ainsi à la réthorique que nous sommes uniques responsables de nos conflits. Or l'essentiel des conflits majeurs ont pour objet la convoitise d'une ressource ou le contrôle stratégique d'un endroit. Et les luttes des forces locales souvent instrumentalisées de l'extérieur doivent être analysés. D'autre part il y a une culture d'impunité qui s'est instaurée sur le continent. Elle gangrène la paix et la sécurité.


74 Renforcer les institutions régionales et continentales dans quatre domaines clés:
Recherche, maintien et imposition de la paix
Réconciliation et reconstruction
Lutte contre la prolifération des armes légères et les mines

Nous avons maintes fois plaidé pour l'avènement d'une force africaine de maintien de la paix. Africa Pax une force continentale avec ses volets civils et militaires. Elle comprend de telles exigences dans son mandat. La lenteur de traduction des engagements des pays africains est égale à leur soumission aux initiatives militaires étrangères ( ACRI américaines, accords de défense néocoloniaux etc..) Il est impérieux que les africains gèrent leur conflit sans la tutelle des grandes puissances et sans les exonérer non plus de leurs responsabilités . La lutte contre le trafic d'armes passe aussi par la dénonciation des fabricants d'armes, et pourquoi pas par leur taxation au profit de la sécurité et du développement.

75 Dans les 6 mois suivant la mise en place du NOPADA, étude de recommandations pour les coûts des 4 domaines, les mesures requises des partenaires et source du financement.

Il peut paraître surprenant d'attendre l'avènement d'un plan pour enclencher des processus de pacification qu'attendent des populations qui subissent les affres de la guerre. Surtout quand on sait que les paliers continental et régionaux ont déja élaboré plusieurs mesures en la matière qui attendent toujours d'être appliquées.

76 Le forum prévu des chefs d'Etats servira de tribune où les dirigeants du NOPADA chercheront à améliorer la capacité des mécanismes africains à promouvoir la paix et la sécurité sur le continent, à partager les expériences et à mobiliser une action collective. Le Forum veillera à ce que les principes et les engagements implicites dans l'Initiative soient respectés.

L'initiative est louable. On peut cependant se demander si un Forum de chefs d'Etat, en charge de l'application du plan, peut se substituer à une véritable autorité civile et militaire continentale pour superviser et coordonner le maintien de la paix et la reconstruction. Lorsqu'on sait que le Forum en question est le même qui favorisera aussi les échanges sur la dette, la gouvernance, une position commune de l'APD, on peut douter de son efficacité à remplir son mandat de pacification.

77 Compte tenu de cet exigence, les africains doivent tout mettre en oeuvre pour trouver des solutions durables aux conflits actuels, renforcer leur sécurité intérieure et promouvoir la paix entre pays.

78 Lors du sommet de Lusaka, l'Union africaine a décidé de prendre des mesures énergiques pour réactiver les organes chargés de la prévention et du règlement des conflits.

Comme il est mentionné en réponse au point 75, la multiplication des paliers, des organes et des mécanismes ne peut remplacer la volonté politique et l'action résolue.
Soulignons aussi que c'est au nom de la sécurité intérieure que certains conflits perdurent parfois.
Il est impérieux qu'une typologie sérieuse de nos conflits soit établie. Les plus difficiles, ceux qui opposent nos peuples aux tenants du capital mondialisé, doivent être distingués de ceux qui résultent de l'hétérogéneité nationale , ou ceux issus des fragmentations et vélleités de puissances de couches dirigeantes. Parfois aussi, une combinaison de ces différents conflits provoquent des enchevêtrements qui les enveniment. Dire que les implique d' admettre la faiblesse et la fragilité de nos sociétés et surtout celles de nos dirigeants.
L'appel à la paix durable passe autant par la souveraineté et le droit des peuples à disposer d'eux mêmes, que par l'avènement d'espaces confédéraux africains soucieux des droits de diversités et des minorités.

(ii) Initiative pour la démocratie et la bonne gouvernance

79 Il est généralement accepté que le développement ne peut se réaliser en l'absence d'une démocratie véritable, le respect des droits de l'homme, de la paix et de la bonne gouvernance. Avec les NOPADA, le continent prend l'engagement de respecter les normes mondiales en matière de démocratie.

Ce passage synthétisé reflète l'internalisation du consensus mondial en matière de démocratie. En théorie, l'équilibre et la séparation des pouvoirs, la liberté d'expression et le multipartisme, la transparence des affaires publiques et la promotion de la société civile sont une noble chose. Dans le contexte pratique, la destructuration et le dépérissement de l'Etat, l'avènement du tout marché sont venus aggraver les inégalités au sein des formations sociales et entre elles, marginalisant de plus en plus des pans entiers de la société de leurs responsabilités civiles. Comment le continent peut prétendre dès lors "respecter ces normes mondiales en matières de démocratie"qui ne le respectent pas lui?

80 L'objectif de l'Initiative pour la démocratie et la gouvernance est de contribuer à renforcer le cadre politique et administratif en accord avec les principes de démocratie, de transparence, de responsabilité d'intégrité, de respect des droits de l'homme et de primauté du droit. Elle est renforcée par l'initiative pour la gouvernance économique ...Ensemble elles doivent contribuer à utiliser l'énergie du continent pour progresser sur la voie du développement et de l'éradiction de la pauvreté.

81 L'initiative est composée des éléments suivants:
-engagements à instituer et consolider les pratiques et les processus fondamentaux de gouvernance
-la promesse par les pays participants de jouer un rôle déterminant en soutien aux initiatives qui encouragent une bonne gouvernance.
L'institutionnalisation des engagements par les dirigeants du NOPADA pour assurer que les valeurs fondamentales de l'initiatives soient respectées.

Ces objectifs de démocratie et de transparence sont nobles en théorie. Dans les faits, ils s'inscrivent dans un projet plus vaste et actuellement en plein chantier. Depuis la fin des années 80, l'affaiblissement de l'Etat par les PAS, et l'échec de ces derniers a intimé de considérer la dimension politique des ajustements structurels. La governance apparait ainsi comme un renforcement technocratique et institutionnel pour favoriser le succès des réformes , encadrer la société civile et contenir le ressentiment populaire. Plus on tentait de mettre en oeuvre ces mesures institutionnelles, plus on s'apercevait que l'Etat africain est institutionnellement malade. Dans certaines formations sociales, la situation était même désespérée. Pour autant, le chaos y est devenu constitutif d'un ordre dans le désordre. On y recourt à des fins politiques. Il fait quasiement partie de l'adaptation culturelle aux exigences de la modernité. Ainsi la gestion de l'Etat comme une affaire privée, l'improvisation et l'organisation inefficace ont permis la poursuite du modèle néo-colonial de croissance, la reproduction des couches dirigeantes, et de contenir ou de dévier certaines conditionnalités des ajustements structurels.
Lorsque ce genre d'Etat s'engage à instituer et à renforcer le règne de l'Etat de droit, de surcroit dans la perspective d'un capitalisme technocratique, il faut bien réaliser l'ampleur de la tâche à entreprendre: on a une révolution à provoquer. Les PAS, à leur manière, ont tenté de le faire, en essayant de circonscrire le politique et en dépolitisant l'Etat. Le résultat le plus patent a été soit l'implosion de la couche Etat , ou en tous cas son raidissement sous une forme de régime absolutiste. On ne peut calquer la transformation qui a lieu dans les sociétés industrielles avancées, où le néolibéralisme a induit la restructuration des affaires publiques en l'ajustant au rôle moteur de l'information et de la communication, ce qui a bouleversé sans le destructurer l'intervention de l'Etat. En Afrique, les condition du mal-développement et de l'insertion asymétrique dans le système mondial viennent freiner les initiatives de renforcements des capacités.

82 Les Etats membres du NOPADA vont aussi prendre plusieurs engagements pour satisfaire aux normes fondamentales de bonne gouvernance et de conduite démocratique tout en s'aidant les uns les autres. Les Etats participants recevront un appui pour entreprendre les réformes institutionnelles souhaitée lorsque cela s'avérera nécessaire. Dans les six mois suivant l'institutionnalisation du NOPADA, ses dirigeants étudieront des recommandations portant sur le déploiement d'outils de diagnostic et d'évaluation appropriés, pour faciliter le respect des objectifs partagés de bonne gouvernance, afin de d'identifier les faiblesses institutionnelles et de chercher des ressources et des compétences pour combattre ces faiblesses.

Il peut paraître surprenant d'attendre tant de temps pour établir un diagnostic et évaluer l'ampleur des choses à entreprendre. Il semblerait qu'un tel travail d'introspection et d'évaluation ne doive pas attendre l'avènement du NOPADA qui devrait plutôt commencer sous des bases saines. Il serait intéressant de voir quel sorte de collaboration les pays africains déploieront et surtout la nature des aides demandées à l'extérieur. La recherche de ressources et de compétences pour combattre ces faiblesses ira t-elle jusqu'au remplacement de dirigeants et élites imcompétents et corrompus?

83 ..Ces réformes institutionnelles se concentreront sur:
- une réforme de la fonction publique et de l'administration
- Le renforcement du contrôle parlementaire
- La promotion de la démocratie directe et participative
- Une lutte efficace contre la corruption et les détournements de fonds
- La réforme du système judiciaire.

La réforme des administrations publiques a déja été avancée dans nombre de pays avec des dégraissages importants. Il y a lieu de savoir ce que comporteront les nouvelles réformes? Ces réformes préconisées, souvent calquées sous les conditionnalités politiques des institutions de Bretton-Woods, n'en demeurent pas moins essentielles. La question que l'on peut se poser par la suite est qu'àdviendrait -il si après avoir promu la démocratie directe et représentative l'assemblée nationale qui en résulte, reflétant les demandes populaires, rejete par exemple l'ajustement structurel. Est ce que sa fonction de contrôle de l'exécutif sera effectif et est ce que le pouvoir judiciaire pourra défendre la démocratie?

84 Les pays participants joueront un rôle déterminant en appuyant et en mettant sur pied des institutions et des initiatives qui protègent ces engagements. Ils s'efforceront de créer et de renforcer les structures nationales, régionales et continentales qui soutiennent une bonne gouvernance.

Cet engagement est important. Il n'existe toujours pas sur le continent de paliers politiques susceptibles d'évaluer rétrospectivement des réformes de cette ampleur. Il est à souhaiter que lorsque de telles institutions adviendront elles seront souveraines et n'obéiront pas à des critères fixés de l'extérieur pour des finalités prédéterminées. De même, il faudra déterminer comment l'Etat obtempérera aux évaluations d'entités supranationales. Il restera aussi à réinventer des mécanismes politiques spécifiquement et culturellement africains pour remplir certaines de ses fonctions. Dans plusieurs sociétés précoloniales ont existé des mécanismes de régulation efficaces pour prévenir les abus du pouvoir, mieux équilibrer les pouvoirs et , assurer la reproduction du pouvoir d'Etat. Ce serait une bonne source d'inspiration culturelle pour l'avènement de formes de régulation adaptées aux réalités et aux exigences de la modernité africaine.

85 Le Forum des chefs d'Etats du NOPADA servira de mécanismes grâce auquel les dirigeants du NOPADA pourront suivre et évaluer les progres réalisés par les pays africains dans la réalisation des objectifs convenus dans le domaine de la bonne gouvernance et des réformes socales. Le Forum constituera une tribune.. pour partager les expériences.

Les évalués semblent être leurs propres évaluateurs. On peut dès lors s'interroger sur la pertinence de l'exercice, sans parler de la réserve diplomatique ou le laxisme que des chefs d'Etat entre pairs ont entre eux. Il serait souhaitable qu'une instance indépendante des chefs de l'Etat se livre à un tel exercice, et fasse connaître des rapports d'évaluation rigoureux sur les progrès entrepris.