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NEPAD - Critique annotee -- Mondialisation, Afrique et NOPADA
 NEPAD - Critique annotee -- Mondialisation, Afrique et NOPADA
Le NOPADA- plus connu sous son titre anglais NEPAD sera présenté au G8 pendant 4 heures , lors de sa rencontre au Canada en juin 2002. Nous doutons que le G8 représente le moteur du processus de mondialisation. Bien qu'ils donnent l'impression d'être le conseil d'administration de ce processus, les gouvernements qui le constituent semblent eux mêmes dépassés par l'ampleur de ce phénomène. Ce dernier met avant tout en jeu les oligopoles et la financiarisation spéculative du capital. Dès lors, pour affirmer son autorité, le G8, comme forme institutionnelle de la triade (USA-Canada, Europe, Japon), est enclin à reprendre le crèdo de l'impérialisme axé sur le néo-libéralisme, la guerre, et le développement inégal. Pour autant, nous ne pensons pas que c'est au G8 de déterminer ce qui est bon pour l'Afrique. Nous déplorons aussi que les leaders africains aillent une fois de plus, après Okinawa, Davos et Gènes, demander la caution de l'Occident pour les affaires qui les concernent. Mais, en raison du rapport de force, le pragmatisme et la gestion de la crise intiment de ne pas suggérer de telles considérations. Ces mêmes raisons ont servi à la fusion de plans OMEGA et MAP (partenariat pour le renouveau africain). L'un était un plan d'infrastructures, sorte de modèle Rostow à l'africaine et l'autre une exhortation et un plaidoyer pour une renaissance sans stratégie effective. Ainsi naquit la nouvelle Initiative africaine, retouchée et baptisée le NEPAD. S'il faut saluer le travail commun des délégations africaines qui s'y sont attelées, on ne peut que déplorer le fait, qu'une fois de plus, il s'agit d'une initiative d'élites au pouvoir qui n'ont pas consulté leur base pour le faire. Il n'y a eu de concertation qu'entre les rédacteurs du document. En leur laissant le bénéfice de la bonne foi, tentons plutôt d'examiner leurs propositions. Qualifié de nouveau partenariat le document ne fait aucune reférence à l'héritage encore en vigueur de l'ancien partenariat. D'emblée pourtant, les propositions s'inscrivent dans la poursuite des PAS, ces ajustements structurels auxquels la plupart des formations sociales africaines sont soumis depuis plus d'une décennie.

Notre hypothèse de recherche peut se résumer comme suit. Sans être une apologie du néo-libéralisme l'oeuvre des concepteurs, à partir des desiderata des bailleurs de fonds, articule un discours qui s'adresse plus à ceux-ci qu'à leurs concitoyens. Leur discours se veut responsable, pragmatique et vise à humaniser le capitalisme auquel ils sont soumis. Le NOPADA-NEPAD est en réalité ambigüe, contradictoire dans son constat de la situation et des moyens privilégiés pour s'en sortir. Il ne peut, dans les contraintes qui le lient, favoriser un développement de l'Afrique et risque davantage d'hypothéquer sa réalisation pour les générations futures. Les perspectives d'exacerbation des cercles vicieux endogènes et exogènes qui bloquent le développement de l'Afrique sont très probables si ce plan est mis en oeuvre, en tous cas dans l'état actuel de sa formulation. Ce plan réflète avant tout les préoccupations des leaders, la défense de leurs intérêts et la marge de manoeuvre restreinte que leur impose la mondialisation. Il pourrait paraître surprenant que ce soient des africains qui cautionnent, en tentant d'élargir un peu les balises étroites entre lesquelles les tenants de l'ordre mondial les confinent, l'intégration à la mondialisation. Si leur discours vise à séduire et à convaincre le G8, ce dernier, incapable de formuler lui même une offre aussi généreuse, sera enclin à considérer minimalement les demandes et à hiérarchiser les pays récipiendaires.

Méthodologiquement, dans le présent document, chacun des points retenus par le NOPADA sera présenté afin de permettre au lecteur ne disposant de l'original de se repérer. Cela peut paraître lourd d'autant qu'en plusieurs endroits ses argumentations sont redondantes. Ensuite, l'argument sera commenté et suivi ou non de remarques. Ces remarques se veulent constructives et vont dans le sens de la consolidation de l'Union africaine. Il ne faudrait pas que cette dernière-qui devrait maintenant être opérationelle- soit freinée par une démarche risquant davantage de diviser que d'unir.
Le document du NEPAD, nous semble en retrait par rapport à plusieurs initiatives antérieures. Malgré plusieurs lacunes, ces différents plans apparaissent plus progressistes. Parmi eux retenons :
( La renaissance par ses propres forces, Chine 1945, La déclaration d'Arusha , Tanzanie 1967 , Déclaration on the Human Environment and Plan of action 1972, NOEI, Assemblée générale de l'ONU 1974 et sa charte de droits et devoirs économiques des Etats; La déclaration de Cocoyoc, CNUCED PNUE, Mexico 1974; Que faire-What Now? Fondation Dag Hammarsjöld et PNUE 1975; Nord Sud, un programme de survie- Rapport Brand 1980; SADCC Southern African Development Coordination Conference 1980; PANUREDA Programme des nations Unies pour le redressement économique et le développement de l'Afrique 1986, CARPAS, Cadre Africain pour le Redressement et les Plans d'Ajustements Structurels-Programs for Socio-Economic Recovery and Transformation; Communauté économique africaine 1989;Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Charte africaine de la participation populaire au développement, Arusha 1990, Traité d'Abuja 1991, La Campagne Jubilée pour l'effacement de la dette...).

Le NOPADA-NEPAD, en s'inscrivant dans la logique de la mondialisation néo-libérale, prend toutefois au mot les exigences de libéralisation et d'intégration des bailleurs de fonds de l'Afrique. En ce sens, il prend le risque de tester leur bonne intention, en leur proposant de s'impliquer plus largement et concrètement dans l'avènement d'un capitalisme africain. Il esquisse donc, dans le cadre des habituelles conditionnalités, un appel pour un nouveau partenariat avec les tenants du centre. A ce titre, il n'est pas un plan d'intégration continental. Au contraire, cette démarche risque, même si elle est partiellement agréée par le G8, d'aboutir à une hiérarchisation des partenaires africains, à la faveur des conditionnalités liées à l'aide. Une selection stratégique qui ne peut aboutir qu'à une plus grande fragmentation. Celle ci serait dommageable pour la fragile unité africaine et occasionnerait une plus grande cooptation des Etats.

Nous renouvelons notre appel pour la rédaction d'un véritable plan de développement continental. Ce dernier reste à être rédigé, idéalement par les forces vives du continent (syndicats, intellectuels, mouvements sociaux, partis politiques et leaders d'opinion qui ont tous été ignoré lors de la rédaction du NEPAD). Seul leur lutte sur le terrain concret du débat des idées et de l'action engagée de la transformation sociale pourrait permettre l'avènement d'un tel programme continental. Nous signifions par là, que les chefs d'Etats ne peuvent avoir le monopole exclusif des choix continentaux, et encore moins imposer unilatéralement, fusse par la caution de leurs pairs, un projet qui risque de compromettre l'avenir de l'Afrique. Et, ce n'est pas en organisant des consultations à postériori, incapables d'amender le texte à grands renforts de participation d' acteurs triés de la société, que l'on résoud ce problème. D'ailleurs, les gens ne sont pas dupes. De plus en plus les sociétés civiles, l'intelligentsia et les populations s'éveillent à la réalité de ce plan. Le Forum social de Bamako le 9 Janvier 2002 a dévoilé toute la suspicion que des organisations de la société civile lui vouent, ne serait ce qu'en raison du paradigme néolibéral. La crainte d'une dépendance accrue et du pillage de ses ressources à la faveur du NEPAD a été exprimée par le caucus africain lors de son évènement sur le financement du développement, à New York (25 Janvier 2002). Le forum Sahélien, tenu un trimestre plus tard, a confirmé ces appréhensions. Quant à la caution que le NEPAD attendait des intellectuels et militants du CODESRIA et du Forum du Tiers monde, il ne l'a pas obtenu.
Dès lors, les décideurs sauront ils tenir compte de toutes ces critiques. Certes, tous peuvent dire avec raison, il est facile de critiquer, que proposez vous à la place?
Nous disons pour notre part que si nous tentons de faire ressortir les inconsistance du NEPAD, c'est en prévision d'une étape plus importante à venir. Celle d'un authentique plan d'intégration africaine. Il devrait idéalement émaner de vecteurs plus horizontaux des forces vives à travers le continent. Il devrait surtout être soumis à l'approbation des masses africaines, au mieux par reférendum. Une fois adopté, il devrait être assorti de mécanismes de suivi et de surveillance pour sa réalisation. C'est dans l'optique d'une telle entreprise que la présente analyse est proposée