Official Documents -- International Campaign Justice for SANKARA
CIJS - SANKARA Affair - CCPR-C-86-D-1159-2003-English
CIJS - SANKARA Affair - CCPR-C-86-D-1159-2003-English
Pacte international relatif aux droits civils
et politiques

Distr. RESTREINTE*
CCPRIC/86/D11159/2003 5 avril 2006

Original: FRANÇAIS
COMITE DES DROITS DE L'HOMME Quatre-vingt-sixieme session
13 - 31 mars 2005
CONSTATATIONS
Communication n° 1159/2003

Presentee par :
Au nom de Etat partie
Date de la communication : References
Date de 1'adoption des constatations :

Mariam Sankara et al. (representes par les conseils du Collectif juridique international Justice pour Sankara, M" Vincent Valai et M. Milton James Fernandes)
Mariam, Philippe, Auguste et Thomas Sankara Burkina Faso
15 octobre 2002 (date de la lettre initiale)
Decision du Rapporteur special prise en application de Particle 91 du reglement interieur, transmise a l'Etat partie le 6 fevrier 2003 (non publiee sous forme de document)
CCPR/C/80/D/1159/2003 - decision concernant la recevabilite datee du 9 mars 2004
28 mars 2006

Objet : Absence d'enquete publique et poursuites judiciaires suite a assassinat; deni de justice en raison de 1' opinion politique
Questions de procedure : Demande de reexamination de decision de recevabilite du 9 mars 2004
Questions de fond : Absence d'enquete publique et poursuites judiciaires suite a assassinat; traitement inhumain; non-rectification du certificat de deces; deni de justice; principe d'egalite des acmes; droit a ce que sa cause soft entendue par un tribunal independant et impartial dans un deiai raisoimable; droit a la securite de la persorume; discrimination sur Popinion politique
Articles du Pacte : Articles 7; 9, paragraphe 1; 14, paragraphe 1; 26
Article du Protocole facultatif : Article 5, paragraphe 1
Le 28 mars 2006, le Comite des droits de Phomme a adopte ses constatations concernant la communication no 115912003, au titre du paragraphe 4 de Particle 5 du Protocole facultatif. Le texte figure en annexe au present document.
[ANNEXE]

ANNEXE
Constatations du Comite des droits de 1'hoimne au titre du paragraphe 4 de Particle 5 du
Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- quatre-vingt-sixieme session
concernant la
Communication n° 1159/2003*

Presentee par :
Au nom de :
Etat partie :
Date de la communication : Decision de recevabilite :
Le Comite des droits de l'homme,

Mariam Sankara et al. (representes par les conseils du Collectif juridique international Justice pour Sankara, Mes Vincent Valai et M. Milton James Fernandes)
Mariam, Philippe, Auguste et Thomas Sankara Burkina Faso
15 octobre 2002 (date de la lettre initiale) 9 mars 2004
institue en vertu de Particle 28 du Pacte

international relatif aux droits civils et politiques, Rani le 28 mars 2006,
Ayant acheve 1'examen de la communication n 1159/2003 presentee au nom de Mariam, Philippe, Auguste et Thomas Sankara, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations ecrites qui lui ont ete communiquees par 1'auteur de la communication et 1'Etat partie,
Adopte ce qui suit :
Les meinbres suivants du Comite ont participe a 1'examen de la presente communication: M. Abdelfattah Amor, M. Nisuke Ando, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, Mine. Christine Chanet, M. Maurice Glele Ahanhanzo, M. Edwin Johnson, M. Walter Kahn, M. Ahmed Tawfik Khalil, Mme. Elisabeth Palm, M. Rafael Rivas Posada, M. Nigel Rodley, M. Ivan Shearer, M. Hipelito Solari-Yrigoyen, Mme. Ruth Wedgwood et M. Roman Wieruszewski.

Constatations au titre du paragraphe 4 de Particle 5 du Protocole facultatif
1.1 Les auteurs, We Mariam Sankara (nee le 26 mars 1953 et residant en France) et ses fils, Philippe (ne le 10 aout 1980 et residant en France) et Auguste Sankara (ne le 21 septembre 1982 et residant en France) sont respectivement 1'epouse et les enfants de M. Thomas Sanlcara, ancien President du Burkina Faso decede le 15 octobre 1987. Les auteurs declarent agir au non de M. Thomas Sankara et en tant que victimes elles-memes. Res font etat de violations par le Burkina Faso, d'une part, de Particle 6, paragraphe 1, relativement a Thomas Sankara, et d'autre part, des articles 2, paragraphes 1 et 3 a) b); 14, paragraphe 1; 17; 23, paragraphe 1; et 26 du Pacte pour We Sankara et ses enfants, et egalement de Particle 16 du Pacte dans le cas d'Auguste Sankara. Les auteurs sont representes par les conseils du Collectif juridique international Justice pour Sanlcara, Me5 Vincent Valai et M. Milton James Fernandes.
1.2 Le Pacte et le Protocole facultatif s'y rapportant sont entres en vigueur pour le Burkina Faso le 4 avril 1999.
Rappel des faits presentee par les auteurs
2.1 Le 15 octobre 1987, Thomas Sanlcara, President du Burkina Faso, est assassins lors d'un coup d'Etat a Ouagadougou.
2.2 De 1987 a 1997, d'apres les auteurs, les autorites n'ont entrepris aucune enquete sur cet assassinat. En outre, le 17 janvier 1988, a ad etabli un certificat de deces precisant, a tort, que Thomas Sankara etait decede de mort naturelle.
2.3 Le 29 septembre 1997, avant echeance de la prescription decennale, Mme Mariam Sankara a depose, en tant qu'epouse et au nom de ses deux enfants mineurs, une plainte contre X pour assassinat de M. Thomas Sankara ainsi que pour faux en ecriture administrative aupres du doyen des juges d'instruction pres le tribunal de grande instance de Ouagadougou. Le 9 octobre 1997, Ies auteurs ont depose une consignation de 1 million de francs CFA, conformement au Code de procedure penale.
2.4 Le 29 janvier 1998, le Procureur general du Faso a presents des requisitions de non-informer aux fins de contester la competence de la juridiction de droit commun au motif que les faits allegues se sont passes dans l'enceinte d'un etablissement militaire entre militaires et assimiles; et que le certificat de deces ernane des services de sante des Forces armees nationales et a ad signs par un medecin commandant, done un militaire.
2.5 Le 23 mars 1998, par ordonnance n° 06/98, le juge d'instruction a decide, au contraire, que le tribunal de grande instance de Ouagadougou representait la juridiction d'instruction de droit commun competenter.
r Le juge d'instruction a estime que conformement a Particle 51 du Code de procedure penale, la juridiction d'instruction du tribunal de grande instance de Ouagadougou etait

2.6 Le 2 avril 1998, le Procureur du Faso a releve appel de cette decision.
2.7 Le 10 decembre 1999, en raison de l'absence de decision de la chambre d'accusation de la cour d'appel, les conseils des auteurs ont mis en demeure le Ministre de la justice et le Conseil superieur de la magistrature de prendre toutes les mesures necessaires afin d'assurer Pimpartialite de la justice.
2.8 Le 26 janvier 2000, par arret n° 14, la cour d'appel de Ouagadougou a infirme I'ordonnance n° 06/98 du 23 mars 1998 et declare Ies juridictions de droit commun
incompetentes.
2.9 D'apres les auteurs, malgre l'arret n° 14 de la cour d'appel et une requete de leur part du 27 janvier 2000, le Procureur du Faso a refuse ou omis de denoncer 1'affaire aupres du Ministre de la defense aft que ce dernier donne 1'ordre de poursuite.
2.10 Le 27 janvier 2000, les conseils ont conteste 1'arret n° 14 precite en presentant un pourvoi aupres de la chambre judiciaire de la Cour supreme.
competente au regard du lieu de commission et de la non-prescription du crime. o [...] Attendu qu'en I'espece, it ne s'est pas rapporte que le crime d'assassinat dont it s'agit a ete commis dans un etablissement militaire; que meme si tel etait le cas it y a lieu de constater que le ou les auteurs de ce forfait sont restes inconnus jusqu'a nos jours; que c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la plainte a ete formulee contre « X >> ; qu'il s'ensuit qu'en 1'etape actuelle it serait tres aleatoire sans avoir au prealable identifie les auteurs, de conclure a leur qualite de militaire; que meme en admettant la qualite de militaire de 1'auteur du faux en ecriture administrative it y a lieu de faire remarquer que cette seconde infraction est subsidiairement liee a la premiere qu'est l'assassinat de sorte que son existence depend de celle de la premiere qui est l'infraction principale; qu'en outre it est un principe general du droit qui veut que l'accessoire suive le principal [...] ; qu'il s'ensuit que la qualite de militaire de 1'auteur du faux ne saurait justifier legalement le renvoi du ou des auteurs de l'infraction principale qu'est 1assassinat devant la juridiction militaire [...]. »
2 o [...] it n'est un secret pour personne que les faits pour lesquels la plainte a ete deposee se sont deroules un soir du 15 octobre 1997 dans la caserne du Conseil de 1'entente. C'est-a-dire que ces faits ont ete commis non seulement dans un etablissement militaire, mais egalement par des personnes qui avaient la qualite de militaire. En tous points de vue, it ne s'agit meme pas d'infraction de droit commun. Quant au faux vise dans la plainte, it s'agit d'un accessoire qui suit le principal et done le sort est lie a faction principale. Par ces motifs : requiert qu'il plaise a la chambre d'accusation de bien vouloir declarer en application de Particle 34 du Code de justice militaire incompetent le juge d'instruction [...] ». Art. 34 du Code de justice militaire : « Les juridictions militaires sont competentes pour instruire et juger les infractions de droit commun commises par les militaires ou assimiles daps le service ou dans les etablissements militaires ou chez I'hete ainsi que les infractions militaires prevues par le present code conformement aux regles de procedure applicables devant elles [...] ».

2.11 Le 19 juin 2001, par arret n° 46, la Cour supreme a declare ce pourvoi irrecevable pour defaut de versement de consignation3.
2.12 Ce meme jour, une deinande des conseils a ete adressee au Procureur general pres la Cour supreme afin qu'il denonce 1'affaire aupres du Ministre de la defense de sorte que ce dernier donne 1'ordre de poursuite4. A cette meme date, les conseils ont demande au
3 Il ressort de l'arret de la Cour supreme que les auteurs ont soutenu aupres de cette instance, d'une part, avoir verse, en vertu de Particle 85 du Code de procedure penale, une consignation de 1 million de francs, le 9 octobre 1997, aupres du juge d'instruction lors du depot de leur plainte, et d'autre part, ne pas avoir verse la consignation d'amende aupres du greffier de la Cour supreme dans la mesure on ce dernier avait orris de donner lecture des dispositions de Particle 110 de l'ordonnance n° 91-0051/PRES du 26 aout 1991 portant composition, organisation et fonctionnement de la Cour supreme ( « le demandeur est tenu, sous peine d'irrecevabilite, de consigner avant 1'expiration du mois qui suit sa declaration de pourvoir, une somme de cinq mille francs a titre de consignation d'amende. La consignation d'amende s'effectue, soit par versement entre 1es mains du greffier en chef de la Cour supreme, soft par mandat adresse a ce dernier. Le greffier qui reroit la declaration du pourvoi doit donner lecture aux declarants des dispositions des deux alineas qui precedent et mentionner cette formalite daps I'acte. »). La Cour supreme a estims que les consignations prevues par les articles 85 du Code de procedure penale et 110 de 1' ordonnance precitee etaient distinctes et que le versement de celle prevue par la premiere disposition ne dispensait pas du paiement de Celle inscrite daps la deuxieme disposition. La Cour supreme a egalement considers que I'omission du greffier de tenir les demandeurs informes de 1'obligation de versement d'une consignation ne faisait (egalement 1'objet d'aucune sanction procedurale, qu'ainsi les auteurs ne pouvaient etre exonerss de cette obligation par suite de 1'omission ainsi
relevee.
4 Arguant que Parret n 14 de la tour d'appel etaft devenu definitif en raison de Parret it 46 de la Cour supreme, et que done les juridictions de droit commun etaient incompetentes, les auteurs, se fondant sur Particle 71 3) du Code de justice inilitaire (art. 71 : « S'il s'agit d'une infraction relevant de la competence des tribunaux militaires, le Ministre charge de la defense apprecie s'il y a lieu ou non de saisir la justice militaire. Aucune poursuite ne peut avoir lieu, a peine de nullite, que sur ordre de poursuite delivre par le Ministre charge de la defense. Toutes les fois que l'infraction a ete denoncee par un juge d'instruction civil, un Procureur du Faso ou un Procureur general, le Ministre charge de la defense est tenu de donner 1ordre de poursuite. L'ordre de poursuite est sans appel; it doit mentionner exactement les faits sur lesquels porteront les poursuites, les qualifier et indiquer les textes de lois applicables »), ont demande au Procureur general de denoncer 1'acte criminel aupres du Ministre de la defense, lequel sera alors tenu de donner Lordre de poursuite. Les auteurs rappelaient egalement avoir adresse, le 27 janvier 2000, une telle requete, sans succes, au Procureur du Faso. Or, d'apres les auteurs, dans un cas similaire (affaire Ministere public c. Kafando Marcel et al., objet de l'arret de renvoi it 005/TMO/CCI du 17 juillet 2000), le Procureur du Faso du tribunal de grande instance de Ouagadougou, avait, par correspondance n° 744199, denonce au

Ministre de la defense de delivrer l'ordre de poursuite, escomptant une denonciation a venir du parquet general.
2.13 Le 19 juin 2001, lors d'une entrevue ayant porte notamment sur l'affaire Sankara, le President du Burkina Faso a declare sur Radio France Internationale que le Ministre de la defense n'avait pas a s'occuper des affaires de justices.
2.14 Le 25 juin 2001, une nouvelle requete a ete adressee au Procureur du Faso.
2.15 Le 23 juillet 2001, le Procureur du Faso a repondu aux conseils que, d'une part, leur requete portait sur des faits qualifies de crimes commis le 15 octobre 1987, soit depuis plus de 13 ans et 8 mois, et d'autre part, l'arret du 26 janvier 2000 de la cour d'appel avait declare sa juridiction incompetente et avait renvoye les parties a mieux se pourvoir.
2.16 Le 25 juillet 2001, contestant la reponse du Procureur6, les conseils Pont, a nouveau, sollicite afin que, conformement a Particle 71 3) du Code de justice militaire, les tribunaux militaires soient saisis, recours ne pouvant titre exerce par la partie civile. A ce jour, aucune reponse du Procureur et done saisine du Ministre de la defense n'ont ete rapportees.
Commissaire du Gouvernement pres le Tribunal militaire des faits qualifies de crimes et delfts paraissant avoir ete commis dans Ies locaux du Conseil de 1'entente. En outre, selon les auteurs, le Ministre de la defense, apres enquete preliminaire, avait delivre un ordre de poursuite.
5 o C'est bien beau de toujours s'appuyer sur le dossier Sankara, sur tel ou tel aspect justement de ce dossier. Mais i1 faut ne pas oublier que la justice a certainement beaucoup de dossiers. Le Ministre de la defense n'est pas la pour traiter des questions de justice, it a certainement d'autres preoccupations. Mais it reste que pour tout ce qui concerne tous Ies dossiers judiciaires, je peux vous assurer qu'il n'y aura pas d'obstacles a ce qu'un dossier suive son cours de bout en bout dans notre pays. C'est 1'Etat de droit que nous avons choisi et nous entendons assurer nos responsabilites en la matiere.
6 Les auteurs font valoir, en premier lieu, que la prescription etait interrompue (ni l'ordonnance aux fins d'informer, ni l'arret de la cour d'appel n'ont remis en cause la recevabilite de la plainte. De mezne, le predecesseur du present Procureur du Faso n'avait pas invoque 1a prescription, mais Particle 34 du Code de justice militaire. Enfin, T'arret d'irrecevabilite de la Cour supreme ne concerne que l'absence de consignation et non pas la prescription). En second lieu, les auteurs font valoir que l'arret de la cour d'appel renvoyait les parties, a savoir la partie civile mais aussi le parquet, a se pourvoir. Conformement a cet arret, les auteurs expliquent ne pas pouvoir, aux termes des dispositions du Code de justice militaire, saisir directement le Ministre de la defense (seul habilite a donner T'ordre de poursuite lors d'infraction relevant de la competence des tribunaux militaires), et devant des lors saisir le Procureur conformement a Particle 71 3) du Code de justice militaire. Reference est, a nouveau, faite de l'affaire Ministere public c. Kafando Marcel et al.

Teneur de la plainte
3.1 Les auteurs estiment que l'absence d'enquete publique et de poursuites judiciaires afin de determiner I'identite et les responsabilites civiles et penales des auteurs de l'assassinat de Thomas Sankara ainsi que la non-rectification de son acte de deces constituent un deni grave de justice quanta leur protection comme membres de la fam.ille Sankara, ceci en violation des articles 17 et 23, paragraphe 1, du Pacte. Its considerent, en outre, que ce defaut d'enquete et done des garanties liees a 1'egalite devant la loi, ainsi que le refus du Procureur de saisir le Ministre de la defense empechant ainsi leur plainte d'aboutir sont dus a leur opinion politique, ceci en violation des articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte.
3.2 Les auteurs soutiennent que 1'Etat partie a manque a ses obligations, d'une part, de mettre a leur disposition, en vertu de Particle 2, paragraphes 3 a) et b) du Pacte, un recours utile pour les violations subies et, d'autre part, de garantir 1'impartialite de la justice telle que requise par Particle 14, paragraphe 1 du Pacte. A ce sujet, les auteurs expliquent que la decision, en premiere instance, de consacrer la competence des juridictions militaires, et d'imposer une consignation d'un montant anormalement eleve (1 million de francs CFA) visait a creer des obstacles quart a l'examen de leur plainte et, en consequence, a constitue une violation du principe d'egalite des armes. De meme, le fait que leurs conseils aient du mettre en demeure la tour d'appel afin que celle-ci rende une decision s'inscrit dans le cadre des violations precitees. Les auteurs estiment qu'il en etait de meme pour la procedure devant la Cour supreme, en particulier pour les raisons suivantes : le President de la Cour est un partisan du parti et du President au pouvoir; et la decision d'irrecevabilite pour defaut de consignation constitue, en realite, un pretexte afin de ne pas statuer sur le fond de 1'affaire.
3.3 Les auteurs considerent qu'Auguste Sankara aurait du etre dispense, en tant que mineur, du depet de consignation en vertu de la legislation en vigueur. Or, par sa decision du 19 juin 2001, la Cour supreme a refuse de reconnaitre l'auteur comme mineur, ceci en violation de Particle 16 du Pacte.
3.4 Enfin, les auteurs font valoir que le refus des autorites de proceder a une rectification de 1'acte de deces de Thomas Sankara constitue une violation continue de Particle 6, paragraphe 1, du Pacte.
Observations de 1'Etat partie concernant la recevabilite de la communication
4.1 Dans ses observations du ter avril 2003, 1'Etat partie conteste la recevabilite de la communication.
4.2 L'Etat partie procede a un rappel qu'il qualifie d'historique portant principalement sur les conditions d'accession au pouvoir du capitaine Thomas Sankara, le 4 aout 1983, et sur ses consequences en termes de violations des droits de 1'homme. Enfin, 1'Etat partie decrit ce qu'il designe comme etant un processus democratique et de reconciliation



plaignante n'a pas saisi un tel fonds, ceci contrairement a des victimes des evenements du 15 octobre 1987).
4.7 De meme, selon I'Etat partie, tous Ies recours contentieux n'ont pas ete epuises. Eu egard aux griefs de deni de justice, un recours est prevu pour toute personne qui s'estime victime d'une Celle violation, au titre de larticle 4 du Code civil7, de Particle 166 du Code
penal$ et de Particle 281 de Pordonnance n° 91-51 du 26 aout 1991 portant organisation et fonctiormement de la Cour supreme. Or, Mme Sankara n'a pas utilise de tels recours. Relativement au grief a l'encontre du President de la Cour supreme, conformement aux articles 648 a 658 du Code de procedure penale et aux articles 291 et 292 de l'ordonnance n° 91-51, toute personne partie a un proces ayant une suspicion legitime sur un magistrat appele a statuer sur ses interets, peut exercer un recours en recusation. Or, 1'auteur n'a pas utilise un tel recours. De meme, elle n'a pas non plus fait usage des articles 283 et 284 de l'ordonnance N°91-51 permettant de sanctionner un deni de justice.
4.8 D'apres I'Etat partie, Lauteur a egalement commis, par negligence ou par ignorance, des erreurs de procedure n'ayant pas permis I'examen au fond de sa requete. L'Etat partie se refere a l'introduction tardive de la plainte, a savoir le 29 septembre 1997, la prescription courant a compter du 15 octobre 1997, soft 10 ans apres les faits allegues. L'auteur prenait ainsi le risque que sa plainte soft forclose en cas de saisine d'une juridiction incompetente. La saisine du tribunal de grande instance, en lieu et place du tribunal militaire, constitue, scion 1'Etat partie, une erreur de procedure imputable a 1'auteur. La qualite de la victime (Thomas Sankara etait capitaine de 1'annee reguliere du Burkina Faso) et le lieu of Ies evenements se sont produits (les locaux du Conseil de 1'entente, eriges en zone militaire sous la periode revolutionnaire) auraient du, tout naturellement, conduire Lauteur a saisir, conformement a la loi, les juridictions militaires. D'apres 1'Etat partie, la prescription de 1'action en justice, liee a la saisine tardive de la justice, et I'erreur de procedure ont rendu caduque toute action devant le juge militaire. Des Tors, lauteur ne peut reprocher au Procureur d'avoir refuse de denoncer 1'affaire aupres du Ministre de la defense, conformement aux dispositions du Code de justice militaire. Par ailleurs, selon 1'Etat partie, le rejet du pourvoi aupres de la Cour supreme pour defaut de consignation ne peut titre invoque par Lauteur comme un motif de deni de justice, car it Iui appartenait de se conformer aux actes de procedure prevus par la loi.
4.9 Enfin, l'Etat partie souleve une irrecevabilite de fond liee au caractere politique de la plainte. D'apres l'Etat partie, la saisine tardive des juridictions nationales au sujet de la
7 Art. 4 : << Le juge qui refusera de juger, sous pretexte du silence, de l'obscurite ou de
1'insuffisance de la loi, pourra titre poursuivi pour deni de justice D.
8 Art. 166 << Est puni d'un emprisonnement de deux moil a un an et d'une amende de 50 000 a 300 000 francs, tout juge, qui, sous quelque pretexte que ce soit, meme du silence ou de I'obscurite de la loi, denie de rendre la justice qu'il dolt aux parties apres avoir requis, et qui persevere dans son deni, apres avertisseinent ou injonction de ses superieurs. Le coupable peut, en outre, titre interdit de toute fonction juridictionnelle pour une dui-6e qui ne peut exceder cinq ans. »

wort de son marl denote du desinteret manifeste de I'auteur quant a la manifestation de la verite sur le plan du droit. L'Etat partie estime que les faits de la cause sont fondamentalement politiques puisqu'ils se sont deroules dans un contexte national particulierement trouble lie, d'une part, aux errements du regime revolutionnaire et aux risques d'instabilite du pays, et d'autre part, au coup de force militaire impose par les circonstances. Enfin, la justice recherchee par 1'auteur est fondamentalement politique et constitue un abus de droit. D'apres 1'Etat partie, l'auteur s'est fixe pour objectif de venger son marl decede. Depuis sa decision de s'exiler des le lendemain des evenements, 1'auteur n'a cesse de multiplier les initiatives tendant a noire a l'image du pays. Or, selon 1'Etat partie, en depit des demarches tendant a faciliter son retour au pays, l'auteur s'est obstinee a demeurer a I'etranger oik elle beneficie du statut de refugiee politique. La plainte de l'auteur ne releve done pas de la competence du Comite.
Commentaires des auteurs concernant la recevabilite
5.1 Dans leurs commentaires du 30 aout 2003, les auteurs contestent les arguments d'irrecevabilite de 1'Etat partie.
5.2 A titre preliminaire, les auteurs soulignent que leur plainte dolt titre apprehendee egalement sous ['angle de Particle 7 du Pacte dans la mesure of le refus des autorites de proceder a une enquete serieuse et d'etablir les faits entourant la mort de Thomas Sankara peut titre considers comme un traitement cruel, inhumain et degradant a leur encontre. En effet, de la sorte, les autorites ne leur ont pas permis de connaitre les circonstances de la mort de la victime, ni le lieu precis oa sa depouille a ete officiellement enterree. Enfin, la conduite illicite de 1'Etat a eu pour effet d'intimider et de punir la famille Sankara, injustement laissee dans un etat d'incertitude et de souffrance psychologique9.
5.3 Les auteurs estiment que les arguments de 1'Etat partie quanta l'irrecevabilite ratione materiae de la plainte, et du fait de son caractere pretendument politique, sont sans fondement juridique. D'apres les auteurs, le Comite est, en outre, competent pour examiner les faits de la presente communication, qui certes precedent ['adhesion du Burkina Faso au Protocole facultatif, mais representent une violation continue du Pacte et produisent des effets constituant eux-memes des violations du Pacte jusqu'a ce jour, ceci compte tenu des actes de gouvernement et des decisions des tribunaux apres ['entree en
vigueur du Pacte.
5.4 Les auteurs font valoir que la communication, dans son ensemble, est recevable dans la mesure oa le Burkina Faso a manque a ses obligations en vertu du Pacte. Citant la communication n° 612/1995 (Vicente c. Colombie, Constatations du 29 juillet 1997), les auteurs se referent, en premier lieu, au fait que 1'Etat partie ne s'est pas conforms a son obligation de mener une enquete sur la mort de Thomas Sankara. En second lieu, 1'Etat partie n'a jamais nie son manquernent a cette obligation en vertu du Pacte, cette violation ayant eu lieu avant et apres I'adhesion au Protocole facultatif. 11 est egalerent note que le
9 Communication n° 586/1999, Schedko et al. c. Bielorussie, Constatations du 3 avril 2003.

certificat de daces de Thomas Sankara a etabli faussement le daces pour causes naturelles, et que 1'Etat partie a refuse ou volontairement omis de le rectifier avant et apres 1'adhesion au Protocole facultatif En troisieme lieu, les auteurs estiment que, dans ses observations, 1'Etat partie a fait une admission judiciaire a savoir que les autorites etatiques savaient sciemment que Thomas Sankara n'etait pas mort de causes naturelles, mais n'ont rien
entrepris a ce sujet.
5.5 Les auteurs insistent sur le fait que les actes et les omissions volontaires de 1'Etat partie ont persiste, apres son adhesion au Protocole facultatif, et constitue des violations continues du Pacte. Its rappellent, d'une part, avoir initie une procedure judiciaire, le 29 septembre 1997, dans les limites de la prescription decennale, en raison du refus des autorites de respecter leurs obligations, et d'autre part, l'attitude de ces dernieres ayant vise a arreter ou ralentir leur recours.
5.6 Les auteurs estiment que la cour d'appel a rendu, avec retard, apres la mise en demeure de leurs conseils, sa decision du 26 janvier 2000. Or, les auteurs rappellent que suite a cette decision ayant declare les juridictions de droit commun incompetentes, les autorites pertinentes ont refuse ou omis de renvoyer la cause au Ministre de la defense afin que des poursuites judiciaires soient engagees devant les tribunaux militaires, tel que prevu a Particle 71 1) et 3), du Code de justice militaire. Le 27 janvier 2000, les auteurs ant done depose un recours devant la Cour supreme afin de contester la validite de la
decision de la cour d'appel.
5.7 D'apres les auteurs, le 27 janvier 2000, lors du depot du recours aupres de la Cour supreme, le greffier a refuse ou omis volontairement de donner aux conseils un avis formel relativement aux exigences prevues par Particle 110 de I'ordonnance n° 91-0051/PRES du 26 aout 1991. I1 a egalement omis de verifier si Particle 111 de cette ordoimancel0
s'appliquait, en 1'occurrence de verifier 1'age d'Auguste Sankara afin de determiner s'il etait mineur. Par sa decision du 19 juin 2001, la Cour supreme a refuse ou omis volontairement de remedier aux violations du greffier, et proprio nzotu de verifier Page d'Auguste Sankara alors que celui-ci, ne le 21 septembre 1982, etait mineur, lors du depot du recours, ceci representant deux violations distinctes des droits d'Auguste Sankara au titre de Particle 16 du Pacte. Les auteurs font etat, subsidiairement, du refus de permettre aux conseils de regler 5 000 francs CFA lors du depot des procedures, et du refus de la Cour supreme de proceder sur le fond de la cause au seul pretexte qu'une somme de 5 000 francs CFA11 etait requise, et done de permettre la continuation des procedures.
5.8 Les auteurs font, a nouveau, etat des manquements et omissions deliberes des autorites, a differents stades de la procedure, a savoir de denoncer l'affaire aupres du
10 Art. 111 de l'ordonnance n° 91-00511PRES du 26 aout 1991 : « Sont neanmoins dispenses de consignation : les condamnes a 1'emprisonnement correctionnel ou de simple police; les personnel beneficiant de l'assistance judiciaire ou ayant introduit la demande; les mineurs de moins de 18 ans. »
11 Soit environ 7,6 euros salon les auteurs.

Ministre de la defense afin que la cause procede devant un tribunal militaire, alors meme que cette procedure est require par Particle 71 3) precite.
5.9 Concernant l'epuisement des voies de recours internes, se referant a la jurisprudence du Comite12, les auteurs font valoir que le Pacte requiert P engagement de procedures criminelles, au niveau national, lors de violations graves, en particulier de morts illicites. L'Etat partie ayant sciemment orris ou refuse d'engager la moindre enquete ou procedure civile, criminelle ou militaire, Ies auteurs expliquent avoir alors depose une plainte contre
X relativement a la wort de Thomas Sankara et aux droits de sa famille dans la mesure ou it s'agissait du seul recours domestique disponible afin de remedier aux violations alleguees. Il est rappels que les auteurs ne pouvaient engager une telle procedure devant les tribunaux militaires en vertu de Particle 71 (3) du Code de justice militaire. S'appuyant sur is jurisprudence du Comite13, les auteurs soutiennent qu'aucun des recours mentionnes
par 1Etat pantie ne peut titre considers comme utile, etant donne leur nature purement disciplinaire ou administrative, ne liant pas legalement les autorites publiques (recours non contentieux), et ne pouvant apporter aucun remede efficace pour les violations graves alleguees (recours contentieux). Concernant les recours internes pour deni de justice, citant la jurisprudence du Comite14, les auteurs estiment qu'il revient au Comite de
determiner si la Cour supreme a viols ses obligations d'independance et d'impartialite, et qu'ils ne pouvaient presumer, lors de leur recours, de la conduite de la Cour. Enfin, selon les auteurs, Faction en recusation du President de la Cour supreme ne peut constituer un recours utile dans la mesure oiu elle ne peut remedier aux effets irreversibles de la decision de la Cour, non susceptible d'appel. Eu egard au recours du 20 septembre 2002 pour defaut de produire le corps de Thomas Sankara, les auteurs font valoir qu'un tel recours visait 1'obtention de preuves directes sur les circonstances du deces de la victime, et ne pouvait remedier aux allegations de violations a 1'endroit des membres de la famille. Les auteurs ajoutent que le seul recours efficace et adequat pour les membres de la famille fut epuise par la decision du 19 juin 2001 de la Cour supreme. Enfin, conformement a la jurisprudence du Comite15, les auteurs considerent qu'on ne pouvait exiger d'eux de
soumettre un recours en sequestration.
5.10 Les auteurs out, par ailleurs, expose des elements de preuves supplementaires sur le fond de la communication. Its font valoir que, daps ses observations, 1Etat pantie a admis officiellement que les autorites avaient connaissance de la mort non naturelle de Thomas Sankara le 15 octobre 1987. Its en deduisent que le recours du 30 septembre 2002 n'est desormais plus requis. Its potent, en outre, que le Ministre de la justice de l'epoque, actuel President du Burkina Faso, n'a pas engage de recours judiciaire malgre sa connaissance du
12 Communications n° 563/1993, Nydia Bautista de Arellana c. Colombie, Constatations du 27 octobre 1995; n° 612/1995, Vicente c. Colombie, Constatations du 29 juillet 1997;
et n° 778/1997, Coronel et al c. Colombie, Constatations du 24 octobre 2002.
13 Communication n° 612/1995, Vicente c. Colombie, Constatations du 29 juillet 1997.
14 Communication n° 886/1999, Schedko et al. c. Bielorussie, Constatations du 3 avril
2003.
15 Communication n° 30/1978, Bleier c. Uruguay, Constatations du 29 mars 1982.

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deces non naturel de la victime. De meme, le Procureur du Faso et le Ministre de la defense n'ont pas fait en sorte que les tribunaux militaires soient saisis suite a la decision de la Cour supreme. Enfin, les auteurs se referent, a nouveau, a la declaration du President du Burkina Faso, le 19 juin 2001, sur Radio France Internationale, et la considere contraire a Particle 71 (1) et (3) du Code de justice militaire edictant, parmi les devoirs du Ministre de la defense, la competence exclusive d'ordonner des poursuites aupres des tribunaux militaires. Les auteurs soulignent que toutes les fois qu'une infraction a tits denoncee par un juge d' instruction civil, un Procureur du Faso ou un Procureur general, le Ministre de la defense a donne l'ordre de poursuite. D'apres les auteurs, et se referent a une declaration Bans < Le Pays » 16, le Ministre de la defense a personnellement refuse d'exercer les
pouvoirs cores par Particle 71 (3) du Code de justice militaire. Les auteurs soulignent, a nouveau, que toutes les autorites judiciaires, tels le Procureur du Faso et le Procureur general, ont soft refuse soft volontairelnent omis ou empeche que des poursuites soient engagees devant les tribunaux militaires.
Decision de recevabilite
6.1 A sa quatre-vingtieme session, le Comite a examine la recevabilite de la communication.
6.2 Le Comite a note 1'argumentation de l'Etat pantie sur Pirrecevabilite ratione teinporis de la communication. Ayant egalement pris note des arguments des auteurs, le Comite a estime qu'il convenait de distinguer, d'un cote, 1a plainte ayant trait a
M. Thomas Sankara, et de 1'autre, celle concernant Mme Sankara et ses enfants. Le Comite a estime que le deces de Thomas Sankara, qui aurait pu constituer des violations de plusieurs articles du Pacte, etait survenu le 15 octobre 1987, et done avant 1'entree en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour le Burkina Faso17. Cette partie de la
communication etait done irrecevable ratione ternporis. L'acte de deces de Thomas Sankara, du 17 janvier 1988, etablissant une mort naturelle contrairement aux faits, de notoriete publique, et tel qu'atteste par 1'Etat partie (par. 4.2 et 4.7) et sa non-rectification par les autorites depuis Tors, devait titre apprehends au regard de ses effets continus a Pendroit de M11e Sankara et de ses enfants.
16 < A ce niveau, i1 ne Taut pas melanger les choses. Jusqu'a present, le Ministre de la
defense n'a pas tits interpelle en tant que tel sur l'affaire Thomas Sankara. Se n'ai pas un -
document de justice ou d'une pantie civile qui m'interpelle. Si un jour ce probleme se = posait, courageusement, et avec le chef supreme des armees qui est le President du Burkina Faso, nous ferons en sorte que ce probleme trouve une solution. Thomas Sankara a ete du reste un de nos freres d'armes. 11 n'y a pas de raisons qu'un probleme pose le concernant ne puisse pas trouver de solution. » Le Pays, n° 2493, 22 octobre
2001.
17 Communication n° 500/1998, R.A. V.N. et al. c. Argentine, Decision d'irrecevabilite du
26 mars 1990.

6.3 Conformement a sa jurisprudence's, le Comite a estime qu'il ne pouvait connaitre de violations qui se seraient produites avant 1'entree en vigueur du Protocole facultatif pour 1'Etat partie a moms que lesdites violations ne persistent apres 1'entree en vigueur du Protocole. Une violation persistante s'entend de la perpetuation, par des actes ou de maniere implicite, apres Pentree en vigueur du Protocole facultatif, de violations commises anterieurement par 1'Etat partie. Le Comite a pris note des arguments des auteurs, en premier lieu, quanta 1'absence d'enquete des autorites sur le deces, de notoriete publique, de Thomas Sankara et de poursuites des coupables - allegations d'ailleurs non contestees par 1'Etat partie - constituant des violations de leurs droits et des obligations des Etats au regard du Pacte19. En second lieu, it ressortait qu'afin d'y
remedier, les auteurs avaient initie une procedure judiciaire, le 29 septembre 1997, ceci dans les limites de la prescription decennale, et qu'une telle procedure s'etait poursuivie apres 1'entree en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif pour le Burkina Faso. Or, et contrairement aux arguments de 1'Etat partie, le Comite a estime que la procedure s'etait prolongee, non pas en raison d'une erreur de procedure imputable aux auteurs, mais d'un conflit de competence entre autorites. Des lors, dans la mesure ou d' apres les informations fournies par les auteurs, les violations alleguees qui resulteraient du defaut d'enquete et de poursuite des coupables les avaient affectes apres ''entree en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif en raison du non-aboutissement, a ce jour, de la procedure engagee, le Comite a estime que cette partie de la communication etait recevable ratione temporis.
6.4 Concernant 1'epuisement des voies de recours interns, eu egard a 1'argument d'irrecevabilite de 1'Etat partie tire du defaut d'utilisation des recours non contentieux20, le Comite a rappele que les recours internes devaient titre non seulement disponibles mais egalement utiles et que 1'expression o recours internes » devait titre entendue comme visant an premier chef les recours judiciaires. L'utilite d'un recours dependait egalement, dans une certaine mesure, de la nature de la violation denoncee2l. Dans le cas d'espece, la
violation alleguee concernait le droit a la vie, et etait liee principalement a 1'allegation du defaut d'enquete et de poursuite des coupables, et accessoirement a l'allegation de la non-rectification de Pacte de aces de la victime et du non-aboutissement des recours engages par les auteurs afro d'y remedier. Dans cette situation, le Comite a estime que les recours non contentieux invoques par 1'Etat partie daps sa soumission ne pouvaient titre consideres comme << utiles » aux fins de Particle 5 (2) b) du Protocole facultatif22.
is Communications n° 24/1997, S. Lovelace c. Canada, Constatations du 30 juillet 1981;
n° 196/1985, I. Gueye c. France, Constatations du 3 avril 1989; n° 516/1992, J. Simunek et al. c. Republique tcheque, Constatations du 19 juillet 1995; n° 520/1992, E. et A.K. c. Hongrie, Decision d'irrecevabilite du 7 avril 1994; et n° 56611993, Ivan Somers c.
Hongrie, Constatations du 23 juillet 1996.
19 Communication n° 612/1995, Vicente c. Colombie, Constatations du 29 juillet 1997.
20 Mediateur du Faso, College des sages, Commission de reconciliation nationale, et
Fonds d'indemnisation des victimes de la violence en politique.
21 Communication n° 612/1995, Vicente c. Colonzbie, Constatations du 29 juillet 1997.
22 Communications n° 612/1995, Vicente c. Colombie, Constatations du 29 juillet 1997;

6.5 Eu egard aux griefs de 1'Etat pantie de non-utilisation de certains recours contentieux quant au deni de justice, le Comite a constate que 1'Etat pantie s'etait limits a une simple citation de recours disponibles en droit burkinabe, sans pour autant fournir une quelconque information sur la pertinence de ces recours dans les circonstances propres au cas d'espece, ni demontre qu'ils auraient constitue des recours utiles et disponibles. Concernant en particulier le recours en recusation a 1'encontre du President de la Cour supreme, le Comite a estime que les auteurs ne pouvaient presumer de la decision de la Cour, et qu'il reviendrait au Comite de determiner, lors de 1'examen sur le fond, si la decision du President avait ete arbitraire ou avait constitue un deni de justice.
6.6 Concernant 1'argument d'irrecevabilite au motif que les auteurs avaient saisi le Comite alors qu'une procedure etait pendante devant les juridictions nationales, le Comite n'a pu retenir ce grief dans la mesure ou le recours additionnel introduit par les auteurs dans le cadre de la plainte contre X du 30 septembre 2002 etait epuise lors de Pexamen de la communication.
6.7 Relativement au grief de 1'Etat partie de prescription liee a la saisine tardive et proceduralement incorrecte de la justice, le Comite 1'a estime non fonds tel que ci-dessus expose (cf. par. 6.3). Le Comite ne saurait, en outre, retenir cet argument a 1'appui de 1'affrmation de 1'Etat partie selon laquelle i1 ne pouvait titre reproche an Procureur d'avoir refuse de denoncer I'affaire aupres du Ministre de la defense. A cet egard, le Comite a constate que les motifs du refus avances par le Procureur, le 23 juillet 2001, etaient manifestexnent non fondes puisque, d'une part, tel que ci-dessus expose, la prescription ne pouvait titre retenue (et d'ailleurs n'avait pas ete retenue par les differentes autorites tout an long de la procedure) et, d'autre part, les auteurs ne pouvaient saisir eux-memes les tribunaux militaires (seule juridiction competente, 1'arret n° 14 de la Cour d'appel etant devenu definitif suite a Farrel n° 46 de la Cour supreme), 1'ordre de poursuite ne pouvant avoir lieu, sous peine de nullite que par le Ministre de la defense apres denonciation en particulier du Procureur. Ce dernier a done, a tort, arrete la procedure engagee par les auteurs et n'a, en outre, pas repondu a leur recours du 25 juillet 2001, element an demeurant non comments par 1'Etat partie.
6.8 Finalement, le Comite a estime que les auteurs avaient epuise les voies de recours interns conformement au paragraphe 2 b) de Particle 5 du Protocole facultatif.
6.9 Relativement a l'argument de I'Etat pantie sur le caractere pretendument politique de la plainte, le Comite a considers que ce grief ne s'opposait en rien a la recevabilite de la communication et relevait, en fait, de 1'examen quant au fond de la communication.
6.10 Eu egard aux griefs de violations des articles 17 et 23 du Pacte, le Comite a estime que les allegations des auteurs faisant etat des consequences du defaut d'enquete sur le aces de Thomas Sankara et d'identification des responsables en particulier pour leur
et n° 778/1997, Coronel et al. c. Colombie, Constatations du 24 octobre 2002.

protection ne relevaient pas des articles invoques, mais posaient probleme au regard des articles 723 et 9, paragraphe 124, du Pacte.
6.11 Concernant le grief de violation de Particle 16 du Pacte, le Comite a estime que les allegations des auteurs ne relevaient pas de Particle invoque, mais pouvaient soulever des questions au regard de Particle 14, paragraphe 1, du Pacte.
6.12 Relativement aux griefs au titre des articles 14, paragraphe 1, et 26 du Pacte (cf. 3.1), le Comite a considers que ces allegations etaient suffisamment stayees aux fins de la recevabilite. En consequence, le Comite des droits de Phomme a decide que la communication etait recevable au titre des articles 7; 9, paragraphe 1; 14, paragraphe 1; et
26 du Pacte.
Observations de 1'Etat partie sur le fond
7.1 Le 27 septembre 2004, 1'Etat partie a transmis ses observations sur le fond. 11 estime que, dans sa decision de recevabilite, le Comite a anticipe sur le fond en requalifiant certaines allegations des auteurs, ce qui prejuge de la decision et constitue une meconnaissance du principe de presomption d'innocence. 11 reitere que l'usage des voies de recours internes par I'auteur releve d'omissions et d'abstentions volontaires destinees a abuser de la procedure au titre du Protocole facultatif.
7.2 Relativement a l'allegation au titre des articles 2, paragraphe 1, et 26 du Pacte, l'Etat partie estime que les auteurs n'ont pas demontrs 1'existence d'une discrimination a 1'egard de la famille Sankara sur la base de son opinion politique. Les auteurs ne peuvent se fonder sur leur schec dans la procedure judiciaire afin d'invoquer une telle discrimination dans la mesure ou. ils ne militent dans aucun parti politique au Burkina Faso, n'y vivent pas, et ne prennent pas directement part a la vie politique nationale. En tout scat de cause, selon 1'Etat partie, les auteurs ne peuvent utilement invoquer une violation de Particle 2, paragraphe I, du Pacte car, au moment de I'entree en vigueur du Pacte et du Protocole facultatif a l'egard du Burkina Faso en avril 1999, 1'Etat partie ne pouvait plus regalement engager une enquete sur la mort de Thomas Sankara. L'Etat partie soutient que toute action judiciaire au sujet de cette affaire etant prescrite depuis le 15 octobre 1997, l'on ne saurait invoquer une violation continue du Pacte, sauf a considerer que la loi nationale serait devenue caduque du fait de 1'entree en vigueur du Pacte a 1'egard du Burkina Faso, ce qui n'est pas le cas.
7.3 Eu egard a 1'allegation de violation de Particle 2, paragraphe 3, du Pacte, lEtat partie estime que le Comite a marque sa preference pour les recours contentieux (par. 6.4) alors que l'on ne saurait valablement exclure toute possibilite de recours non contentieux. L'Etat partie explique que ces procedures peuvent souvent s'averer, en pratique, plus efficaces que les procedures contentieuses. Il rappelle les recours non contentieux du
23 Communications n° 950/2000, Sarma c. Sri Lanka, Constatations du 16 juillet 2003; et
n° 886/1999 Schedko c. Bielor•ussie, Constatations du 3 avril 2003.
24 Communication n° 82111998, Chongwe c. Zainbie, Constatations du 25 octobre 2000.

Burkina Faso, lesquels constituent des recours utiles, et qui se sont reveles, le plus souvent, plus importants et plus efficaces que les recours contentieux, mais que les auteurs ont refuses (cf. par. 4.6). Concernant les recours contentieux, 1Etat partie soutient qu'ils constituent egaleznent des recours utiles, mais que la famille Sankara attendait plutot une
justice particuliere » eu egard a son passe, ceci contraireinent au principe d'egalite
devant la loi et la justice.
7.4 Concernant 1'allegation de violation de Particle 6, paragraphe 1, du Pacte, 1Etat partie explique que 1'acte de daces de Thomas Sankara est un acte administratif au sens de la loi, et qu'il appartenait a la famille Sankara, conformement a la legislation en vigueur, de saisir le juge administratif competent afin d'obtenir son annulation ou sa rectification. En outre, 1Etat partie considere que la non-rectification de Pacte de daces ne constitue pas, en soi, une violation du droit a la vie.
7.5 Relativement a l'allegation de violation de Particle 14, paragraphe 1, du Pacte, l'Etat partie expose sa legislation garantissant l'independance de la justice. 11 soutient, en outre, que, dans le cas d'espece, les auteurs n'ont pas demontre le caractere partisan des magistrats. Ainsi, le montant de la consignation, en premiere instance, est laisse a la discretion du juge qui le fixe en fonction des circonstances de 1'espece. Or, la fixation d'un montant de 1 million de francs CFA ne saurait traduire, a elle seule, le caractere partisan de la decision du juge, car ce montant varie en fonction de P importance de 1'affaire et des parties en cause. L'Etat partie affirme que ce montant n'a rien d'exceptiolmel au regard de la pratique habituelle des tribunaux burkinabes25. Quant au
paiement de la consignation en cassation, qui est de 5 000 francs CFA, it est, salon la loi, d'ordre public et tout plaignant formant un pourvoi en cassation dolt s'en acquitter, sous peine d'irrecevabilite. D'apres l'Etat partie, ayant neglige de s'acquitter de cette formalite, les auteurs ne peuvent invoquer le caractere partisan des magistrats, ni prejuger la partialite des magistrats. En outre, 1Etat partie estime que 1'invocation des affznites politiques du President de la Cour de cassation ne saurait resister a la critique, daps la mesure ou les decisions de la Cour de cassation demeurent, en toute hypothese, collegiales et ou la partie plaignante avait le loisir de recuser, conformement a la loi en vigueur26, le
President de la Cour de cassation, mais ne 1'a pas fait. En tout etat de cause, selon 1Etat partie, un echec en justice ne suffit pas pour qualifier les juges de partisans et les
tribunaux de partiaux.
25 A titre d'exemple, 1Etat partie cite la consignation d'un montant de 1,5 million de francs CFA dans 1'affaire Fonds chretien de l'enfance Canada (FCC) c. Batiano
Celestin, en 1997.
26 Les articles 648 a 658 du Code de procedure penale et les articles 291 et 292 de
1'ordonnance n° 91-51 du 26 aout 1991 portant organisation et fonctionnernent de la Cour supreme donnent la faculte a toute personne partie a un proces qui a une suspicion legitime sur un magistrat appele a statuer sur ses interets de Pen empecher par la recusation. Or, salon l'Etat partie, 1'auteur ne 1'a pas utilisee. Elie n'a pas non plus fait usage de la prise a partie prevue par les articles 283 et 284 de 1'ordonnance n° 91-51 et qui permet, s'il y a lieu, de sanctionner un deni de justice.

7.6 Eu egard a 1'allegation de violation de Particle 16 du Pacte, que le Cornite a prefere requalifier au titre de Particle 14, paragraphe 1, du Pacte, 1Etat partie soutient que, contrairement aux affirmations des auteurs, 1'exoneration de depot de consignation prevue a Particle 111 de l'ordoimance n° 91-0051/PRES du 26 aout 1991 au profit des mineurs ne peut titre regardee comme etant d'ordre public, et que des lors it ne revenait pas a la Cour supreme de relever d'office la qualite de mineur d'Auguste Sankara. De plus, la requete d'Auguste Sankara n'est pas isolee de celles des autres membres de la famille et ne peut titre appreciee en consequence de fawn separee.
7.7 Concernant 1'allegation de violation de Particle 17 du Pacte, que le Comite a prefere requalifier au titre des articles 7 et 9, paragraphe 1, du Pacte, 1Etat partie explique que le defaut d'enquete sur le deces de Thomas Sankara et d'identification des responsables ne sont pas recevables, com,pte tenu de I'anteriorite des faits a 1'entree en vigueur du Pacte pour le Burkina Faso. L'Etat partie soutient que Particle 7 du Pacte ne saurait are invoque dans la mesure oit les auteurs n'ont jamais ete inquietes, et n'ont jamais souffert des traitements couverts par cette disposition. En outre, une telle allegation releverait de Pimpossibilite materielle, dans la mesure ou les auteurs ne vivent plus au Burkina Faso depuis les evenements de 1987. De meme, selon l'Etat partie, Particle 9, paragraphe 1, du Pacte ne peut titre retenu puisque les auteurs ne vivent plus au Burkina Faso.
7.8 Relativement a l'allegation de violation de Particle 23 du Pacte, declaree irrecevable par le Cornite, apres avoir mentionne sa legislation reconnaissant et garantissant les droits de la famille, 1'Etat partie soutient que les auteurs ne peuvent reprocher a IEtat burkinabe de ne pas les avoir proteges, puisqu'ils ne vivent plus sur son territoire et se sont volontairement soustraits au controle de ses autorites en recherchant le statut de refugies a I'etranger, alors meme qu'ils n'etaient nullement menaces, ni inquietes.
7.9 L'Etat partie reitere sa position que la plainte des auteurs constitue un abus de droit dans la mesure ou elle ne vise que des fins purement politiques. D'apres 1Etat partie, les faits allegues par la requerante peuvent difficilement faire I'objet d'une appreciation juridique au regard des engagements internationaux du Burkina Faso daps le domaine des droits de l'homme, en raison de leur caractere politique. 11 s'agit, en effet, de faits intimement lies a la vie politique du pays, et s'etant deroules dans un contexte national trouble lie aux errements du regime revolutionnaire et aux risques d'instabilite qu'encourait le pays, et au coup de force militaire ne des circonstances. Ces faits ne peuvent done titre dissocies des evenements du 15 octobre 1987 et le Comite ne peut les apprecier hors de leur contexte. L'Etat partie affirme que le Comite outrepasserait ses competences si neamnoins it examinait 1'ensemble de ces evenements. 11 explique que Mj1e Sankara s'est fixe comme objectif de venger son maxi decede, et de nuire a l'image du pays et du Gouvernement.
7.10 Finalement, l'Etat partie prie le Comite de rejeter la communication et de constater l'absence de violation depuis 1'entree en vigueur du Pacte. II ajoute que, neanmoins, le Gouvernement, a la demande expresse des interessds, est dispose a faire verifier et proceder, s'il y a lieu, a la rectification de 1'acte de deces de Thomas, conformement aux dispositions legales et reglementaires en vigueur au Burkina Faso. En tout etat de cause,

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d'apres 1'Etat partie, rien ne s'oppose a ce que les auteurs reviennent au Burkina Faso on y resident. L'Etat partie precise assurer la securite et la protection a toutes les personnes vivant sur son territoire ou relevant de sa juridiction, En outre, si les auteurs s'estiment menaces ou en insecurite, i1 leur appartient de demander aux autorites competentes une protection particuliere. Toutefois, d'apres 1'Etat partie, le Burkina Faso ne peut assurer efficacement la protection de ses ressortissants vivant dons un Etat stranger. En outre, 1'Etat partie soutient qu'il reste constant que les auteurs n'ont jamais ete inquietes pour leur securite du fait du Burkina Faso dans les differents pays ou ils ont elu domicile (Gabon, France, Canada).
Commentaires des auteurs
8.1 Dans leurs commentaires du 15 novembre 2004, les auteurs declarent soumettre de nouveaux elements devant perrnettre de reviser en partie la decision de recevabilits du Comite. Its estiment que 1'Etat partie, dans ses observations sur le fond, a reconnu que Thomas Sankara n'etait pas decode de mort naturelle et que certaines personnalites avaient en connaissance des circonstances des evenernents du 15 octobre 1987.
8.2 Les auteurs dernandent, des lors, en premier lieu, que le Comite declare recevable /'article 6 du Pacte, cette disposition obligeant 1'Etat partie a enqueter et a poursuivre les responsables des violations du droit a la vie de Thomas Sankara, et a respecter et garantir le droit a la vie de Thomas Sankara27. Selon les auteurs, 1'obligation pour 1'Etat partie de
proteger la dignite humaine de Thomas Sankara se poursuit egalement apres sa rnort28. Le manquement a 1'obligation d'etablir les circonstances de la mort extrajudiciaire reconnue d'un individu est u.rle atteinte a la dignite humaine. A la lumiere des faits attestant que M. Sankara n'est pas decode d'une mort naturelle, malgre 1'attestation de son certificat de deces, et qu'il a,plutet ete assassins dans le cadre d'un coup d'Etat, les auteurs estiment essentiel pour 1'Etat partie de proteger sa dignite en procedant a une enquete judiciaire et en determinant les circonstances de sa rnort avant de rectifier ledit certificat de dotes.
8.3 Les auteurs souhaitent, en second lieu, que le Comite declare recevable /'allegation au titre de Particle 16, au motif que 1'Etat partie n'a pas fourni copie de I'arret n° 46 de la Cour supreme du 19 juin 2001 ou n'a pas reconnu l'authenticite de la copie sournise par eux-memes. Or, les auteurs reiterent que la Cour supreme a arbitrairement denie le droit d'Auguste Sankara a la reconnaissance en taut que personne devant la loi. Selon les auteurs, Particle 111 de Pordonnance n° 91-0051/PRES du 26 aout 1991 au profit des
27 Les auteurs invoquent les Communications n° 161/1983 Herrera Rubio c. Colombie, Constatations du 2 novembre 1987 et n° 778/1997 Coronet et al. c. Colombie, Constatations du 24 octobre 2002.
28 Les auteurs font reference aux Communications n° 1024/2001 San/es Sanles c.
Espagne, Decision d'irrecevabilite du 30 mars 2004, et n° 717/1996 Acui a Inostroza et consorts c. Chili, Decision d'irrecevabilite du 23 juillet 1999, et aux opinions individuelles a la Communication n° 718/1996 Vargas Vargas c. Chili, Decision d'irrecevabilite du 26 juillet 1999.

mineurs etant d'ordre public, it revenait a la Cour supreme de relever d'office la qualite de mineur d'Auguste Sanlcara, de lui accorder 1'exemption de consignation et done de permettre son droit d'acces aux tribunaux. De plus, les auteurs font valoir que Tors de la violation des droits d'une personne d'etre reconnus par la loi, 1'article 14 du Pacte est necessaireznent viole.
8.4 Par ailleurs, les auteurs referent leurs commentaires faisant etat de violations par 1'Etat partie des articles 7 et 9, paragraphe 1. Its soulignent que la maniere par laquelle I'Etat partie repondra aux nouveaux elements precites sur le role joue par le President Blaise Compaore dans la mart de Thomas Sankara est essentielle pour eclairer les evenements du 15 octobre 1987.
8.5 Les auteurs font valoir que 1'Etat partie a viole Particle 26 du Pacte qui protege le droit a 1'egalite devant la loi en 1'absence de discrimination fondee sur l'opinion politique. Contrairement aux observations de 1'Etat partie, les auteurs expliquent qu'une personne peut avoir une opinion politique, meme si elle ne vit plus au Burkina Faso, et n'est pas impliquee en politique. Les auteurs estiment que 1'Etat partie n'a pas soumis d'arguments juridiques suffisants permettant de refuter leurs allegations detaillees. En outre, 1'Etat partie a note que les membres survivants de la famille Sankara se sont vu reconnaitre le statut de refugies politiques a l'etranger. L'attribution de ce statut implique, selon les auteurs, une preuve prima facie de 1'existence d'une discrimination fondee sur l'opinion politique dans le pays d'origine. Selon les auteurs, les allegations de I'Etat partie que la famille Sankara a voulu beneficier d'un traitement special devant les tribunaux burkinabe illustrent une incomprehension de la nature de la discrimination subie, a savoir le traitement inequitable et cible endure par les auteurs aux prises avec differentes instances du Burkina Faso.
8.6 Relativement a Particle 14, paragraphe 1, du Pacte, les auteurs font valoir que la Cour Supreme a commis un deni de justice avec son arret n° 46 du 19 juin 2001, que 1'Etat partie n'a toujours pas fourni. La jurisprudence du Comite confirme qu'une decision de la plus haute instance judiciaire d'un Etat peut en elle-meme etre source d'une allegation de deni de justice29. Les auteurs reconnaissent que le Comite n'a pas d'organe independant
permettant d'enqueter, et n'est generalement pas en mesure de revoir la preuve et les faits tels qu'evalues par les tribunaux internes. Cependant, les auteurs se referent a l'exception a cette regle enoncee dans 1'affaire Griffin c. Espagne30. Pour les auteurs, la Cour
Supreme a fait preuve d'illogisxne en utilisant l'absence de fournir une Somme modique de 5 000 francs CFA afin de refuser un dossier au fond.
29 Communication n° 71811996, Vargas Vargas c. Chili, Decision d'irrecevabilite du
26 juillet 1999, par. 6.7.
30 Communication n° 49311992, Griffin c. Espagne, Constatations du 4 avril 1995 : o ...
a moins que l'on puisse determiner que le proces a ete manifestement arbitraire, et qu'il y a eu des vices de procedure ayant provoque un deni de justice ou que le juge a
manifestement failli a son devoir d'iunpartialite ». [par. 9.6].

Observations supplementaires de 1'Etat partie concernant les commentaires des auteurs
9.1 Dans ses observations supplementaires du 15 octobre 2005, 1'Etat partie reitere ses observations au titre de l'irrecevabilite des faits. Selon 1'Etat partie, ni 1'absence d'enquete, ni la pretendue omission de rectification du certificat de deces, ni l'invocation de l'atteinte a la dignite de Thomas Sankara ne sauraient justifier la retroactivite des dispositions du Pacte a son egard, car it n'y a aucune continuite des faits dans le temps et serait totalement contraire aux principes du droit international public. L'Etat partie maintient 1'argument de la prescription pour justifier l'absence d'enquete depuis 1'entree en vigueur du Pacte. De plus, s'etant adresses a une juridiction notoirement incompetente en 1'affaire, les auteurs ont de leur propre initiative provoque leur forclusion, la saisine d'une juridiction incompetente n'interrompant pas la prescription. Ainsi, 1'Etat partie n'avait pas a engager de poursuites apres l'entree en vigueur du Pacte. Dans le cas d'espece, l'auteur de la communication n'ayant demontre aucun acte imputable a 1'Etat partie qui aurait ete commis posterieurement ou qui aurait perdure apres la date d'entree en vigueur du Pacte, le Comite ne saurait valablement statuer sun les faits sans meconnaitre sa propre jurisprudence et une regle internationale solidement etablie. S'agissant des allegations des auteurs selon lesquelles le dernier acte d'instruction est date du 29 septembre 1997, leur offrant une interruption du delai de prescription, I'Etat partie estime qu'il s'agit d'une « interpretation pernicieuse a de Particle 7 du Code de procedure penale : 1'acte de poursuite n'est pas un acte d'instruction, car non porte devant une juridiction competente.
9.2 S'agissant des allegations selon lesquelles 1'Etat partie a orris ou refuse de rectifier, avant et apres son adhesion au Protocole facultatif, le certificat de deces de Thomas Sankara, 1'Etat partie explique que le certificat de deces n'est qu'un acte de constatation d' expert et non un acte d' etat civil. Un acte d' expert ne peut titre rectifie ou corrige que par un expert, qui ne saurait titre I'Etat partie, et le principe de la responsabilite des experts est et demeure une responsabilite individuelle et personnelle. De ce fait, la non-rectification du certificat de deces ne saurait engager la responsabilite de 1'Etat partie.
9.3 L'Etat partie maintient que les affirmations des auteurs quanta l'atteinte a la dignite de Thomas Sankara, qui constituerait un facteur de violation continue, ne sont pas etayees et ne constituent pas des violations des dispositions du Pacte. La tombe de Thomas Sankara est regulierement honoree par des sympathisants, it a lui-meme ete officiellement rehabilite et eleve a la dignite de heros national, une serie de partis politiques touj ours representes a 1'Assemblee Nationale portent son nom et un monument aux heros est en construction a Ouagadougou, destine en partie a Thomas Sankara. En outre, d'apres 1'Etat pantie la protection de la dignite dans le Pacte ne garantit de droits que pour les personnes vivantes et non pour les personnes decedees. L'allegation de la violation du droit a la dignite de Thomas Sankara est done manifestement mat fondee.
9.4 S'agissant des pretendus aveux judiciaires de 1'Etat partie sur la qualite de victime de Thomas Sankara, I'Etat partie note le caractere Leger de ces observations et estime que le

Comite devrait confirmer sa position initiale relative a l'irrecevabilite de cette partie de la requete.
9.5 L'Etat partie indique que les observations des auteurs montrent que les conditions de recevabilite devant le Comite ne sont pas toutes reunies en l'espece, s'agissant de la decision partielle de recevabilite du Comite. L'Etat pantie demande au Comite de reconsiderer sa decision de recevabilite. Non seulement toutes les voies de recours ne sont pas epuisees au regard de l'ensemble de leurs allegations, mais en outre les allegations traduisent un abus de droit et de procedure et sont manifestement incompatibles avec les dispositions du Pacte.
9.6 L'Etat partie reaffirme qu'il a demontre Putilite des recours non contentieux dans le cas particulier du Burkina Faso, au regard de son contexte politique et social. Les auteurs n'ont pas nie l'utilite de ces recours et n'expliquent pas leur refus constant d'utiliser les voies de recours non contentieux. L'Etat pantie reitere aussi la non-utilisation de certains recours contentieux par les auteurs et renvoie a ses observations sur la recevabilite, et en particulier a Particle 123 du Code des personnes et de la famille qui leur permettrait d'obtenir la rectification du certificat de deces. Enfin, 1'Etat partie maintient que We Sankara a commis, par negligence ou par ignorance, des erreurs de procedure qui n'ont pas permis Pexamen au fond de sa requete, et renvoie a ses observations sur la recevabilite.
9.7 S'agissant de Tabus de droit, 1'Etat pantie maintient que les griefs souleves par les auteurs sont de nature plus politique que juridique et visent en realite le President du pays.
9.8 L'Etat partie apporte les arguments suivants sur le fond : s'agissant de 1'allegation de violation de Particle 2, it considere qu'il s'agit de violations impossibles en 1'espece, mais si le Comite venait a reconnaitre une telle obligation, 1'Etat partie est dispose a presenter des arguments a cet effet. S'agissant de la pretendue violation de Particle 7, 1'Etat pantie soutient que toute accusation de traitement cruel, inhumain et degradant ne peut titre valablement soutenue en fait, ni en droit, en raison des efforts de 1'Etat pantie qui se sent heurtes a un refus categorique de la part de We Sankara. 11 rappelle ses efforts de reconciliation envers Thomas Sankara, et en particulier le fait que l'emplacement de sa tombe est de notoriete publique. La famille Sankara ne peut invoquer une quelconque intimidation, dans la mesure ou elle ne vit plus au Burkina Faso. Pour 1'Etat partie, les auteurs n'ont demontre aucun acte Iui etant imputable ayant cause ni une souffrance physique, ni une souffrance mentale pour etayer une violation de Particle 7.
9.9 S'agissant de la pretendue violation de 1article 9, paragraphe 1, LEtat partie indique que les 'names arguments sont invoques par les auteurs que pour Particle 7, et de meme ils n'ont pas fourni d'arguments specifiques pour etayer les allegations de violation. Les auteurs n'ont fait 1'objet d'aucune arrestation ou d'une quelconque detention arbitraire, pas plus qu'ils n'ont jamais ete inquietes pour leur securite. L'Etat partie prie done le Comite de rejeter cette allegation.
9.10 S'agissant de Particle 14, paragraphe 1, 1'Etat pantie renvoie a ses observations au fond quant au montant des consignations, qui ne sauraient traduire, a elles seules, le

caractere partisan de la decision du juge. De plus, et se referant a la jurisprudence du Comite3l, I'Etat partie maintient que Ies auteurs n'ont souleve aucune irregularite devant la Chambre judiciaire de la Cour Supreme. De plus, quant aux arguments des auteurs fondes sur l'affaire Gr°n c. Espagne, 1'Etat partie note qu'ils n'ont pas fait preuve du caractere arbitraire et inequitable du proces de 1a Cour supreme, qu'ils n'ont demontre Un quelconque vice de procedure, et que les seuls obstacles de procedure invocables dans le cas d'espece sont lies au defaut de consignation, que les auteurs ne peuvent reprocher qu'a eux-melnes.
9.11 S'agissant de Particle 26, 1'Etat partie renvoie a ses observations, et ajoute que les articles 1 et 8 de la Constitution du Burkina Faso preservent les citoyens contre toute forme de discrimination et garantissent la liberte d'expression. Les discriminations sont interdites par le nouveau Code penal de 1996 qui les punit severement. Pour IEtat partie, les auteurs n'ont pas demontre qu'ils ont une opinion politique qui aurait ete la base de mesures discriminatoires de la part des autorites. Par ailleurs, le fait de beneficier du statut de refugie politique dans un pays etranger ne constitue pas en soi la preuve de discrimination sur la base de 1'opinion politique de son beneficiaire. D'apres 1'Etat partie, en pratique les criteres utilises par chaque Etat pour dormer le statut de refugie sont parfois subjectifs, et la famille Sankara qui vit toujours au Burkina Faso n'est nullement inquietee pour son opinion politique. L'Etat partie demande au Comite de rejeter 1'allegation d'une violation de Particle 26.
Commentaires des auteurs sur Ies observations de 1'Etat partie
10. Dares leurs commentaires du 15 janvier 2006, les auteurs reaffirment leurs observations anterieures. S'agissant de la prescription, ils expliquent qu'aucune juridiction n'a remis en cause cette question et que, au regard de Particle 7 du Code de procedure penale32 et de la jurisprudence applicable, it n'y a jamais eu prescription.
Demande de reexamen de la decision de recevabilite
11. Le Comite a pris note de la demande de reexamen de sa decision de recevabilite formulee aussi bien par 1'Etat partie que par les auteurs. 11 remarque que la plupart des elements de P argumentation avancee a l'appui de la demande de reexamen de recevabilite portent sur des parties de la communication qui ont deja ete Pobjet d'une etude approfondie au moment de l'examen de la recevabilite et que les autres arguments doivent
31 Communication n° 81111998, Mulai c. Republique du Guyana, Constatations du 20 juillet 2004: << si l'une des parties a connaissance de demarches destinees a influencer le jury, elle doit soulever la question de ces irregularites devant le tribunal > [par. G.1].
32 < En matiere de crime, faction publique se prescrit par dix annees revolues a compter du jour oa le crime a ete commis, si dans cet intervalle it n'a ete fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. S'il en a ete effectue sans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'apres dix annees revolues a compter du dernier acte. II en est ainsi meme a 1'egard des personnes qui n'etaient pas visees par cet acte d'instruction ou de poursuite. >>

etre analyses dans le cadre de l'examen quant au fond. En consequence, le Comite decide de proceder a 1'examen du fond de la communication.
Examen sur le fond
12.1 Le Comite des droits de l'hoinme a examine la presente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont ete soumises par les parties, conformement an paragraphe 1 de Particle 5 du Protocole facultatif.
12.2 En ce qui concerne une violation de Particle 7, le Comite comprend l'angoisse et la pression psychologique dont We Sankara et ses fils, famille d'un homme tue dans des circonstances contestees, ont souffert et souffrent encore parce qu'ils ne connaissent toujours pas les circonstances ayant entoure le deces de Thomas Sankara, ni le lieu precis oiu sa depouille a ete officiellement enterree33. La famille de Thomas Sankara a le droit de
connaitre les circonstances de sa mort34, et le Comite rappelle que toute plainte contre des actes prohibes par Particle 7 du Pacte dolt faire Pobjet d'enquetes rapides et impartiales des autorites competentes35. De plus, le Comite note, comme iI 1'a fait lors de ses deliberations sur la recevabilite, la non-rectification de I'acte de deces de Thomas Sankara du 17 janvier 1988, etablissant une mort naturelle contrairement aux faits, de notoriete publique, et tel qu'attestes par 1'Etat partie. Le Comite considere que le refus de mener une enquete sur la mort de Thomas Sankara, la non-reconnaissance officielle du lieu de sa depouille, et la non-rectification de Pacte de deces constituent un traitement inhumain a l'egard de Mme Sankara et ses fils, contraire a Particle 7 du Pacte.
12.3 En ce qui concerne une violation de Particle 9, paragraphe 1, du Pacte, le Comite rappelle sa jurisprudence selon laquelle le droit a la securite de la personne garanti au paragraphe 1 de Particle 9 du Pacte, s'applique meme lorsqu'il n'y a pas privation formelle de liberte36. L'interpretation de Particle 9 ne permet pas a un Etat partie de ne pas
tenir compte des menaces a la securite individuelle de personnes non detenues relevant de sa juridiction37. En 1'espece, des personnes ont tire et tue Thomas Sankara le 15 octobre 1987, et par crainte pour leur securite, sa femme et ses enfants ont quitte le Burkina Faso
33 Communications n° 886/1999, Schedko c. Bielorussie, Constatations du 3 avril 2003, par. 10.2; Communication n° 88711999, Staselovich c. Bielorussie, Constatations du
3 avril 2003, par. 9.2.
34 Communication n° 10711981, Quinteros c. Uruguay, Constatations du 21 juillet 1983,
par. 14.
35 Observation generale 20, par. 14.
36 Communications n° 19511985, Delgado Paez c. Colombie, Constatations du 12 juillet 1990, par. 5.5; n° 711/1996 Carlos Dias c. Angola, Constatations du 20 mars 2000,
par. 8.3.
37 Communications n° 82111998, Chone c. Zambie, Constatations du 25 octobre 2000,
par. 5.3; n° 468/1991 Bahamonde c. Guinee equator/ale, Constatations du 20 octobre 1993, par. 9.2.

peu apres. Cependant, les arguments avances par les auteurs sont insuffisants pour faire apparaitre une violation de Particle 9, paragraphe 1, du Pacte.
12.4 En ce qui concerne la pretendue violation de 1article 14, paragraphe 1, du Pacte, s'il n'appartient pas necessairement a un tribunal de se prononcer sur la demande d'enquete publique ou de poursuite, le Comite considere cependant que, comme dans le cas d'espece, chaque fois qu'un organe a ete charge de decider du debut de 1'enquete et des poursuites, i1 dolt respecter la garantie d'egalite de tous devant les tribunaux, comme le prevoit Particle 14, paragraphe 1, et les principes d'impartialite, d'equite et d'egalite implicites dans cette
garantie38.
12.5 Le Comite note les arguments des auteurs quant au non-respect de la garantie d'egalite par la Cour supreme lors de son rejet du pourvoi sur la base du defaut de consignation de 5 000 francs CFA, et de son refus de considerer la qualite de mineur d'Auguste Sankara. Or, it ressort, en premier lieu, que 1Etat partie n'a pas conteste le fait que contrairement a Particle 110 de l'ordonnance n° 91-51 du 26 aout 1991 du Burkina Faso, le greffier n'a pas informe les conseils de l'obligation de consigner une somme de 5 000 francs CFA a titre de consignation d'amende. En second lieu, it apparait que l'arret de la Cour supreme soutenant que les auteurs n'ont justifie d'aucune dispense de consignation pour le mineur Auguste Sankara etait inopportun puisque les auteurs n'avaient pas connaissance des consignations requises, en raison du defaut meme d'information du greffier, element essentiel sur lequel la Cour etait pleinement informe. Le Comite estime des lors que la Cour Supreme n'a pas respecte l'obligation de respect de la garantie d'egalite de tous devant les tribunaux, recommue au paragraphe 1 de Particle 14 du Pacte, et des principes d'impartialite, d'equite et d'egalite implicites dans cette garantie.12.6 Le Comite note que, suite a I'arret n° 46 de la Cour supreme du 19 juin 2001, rendant definitif Farret n° 14 de la Cour d'appel declarant les juridictions de droit commun incompetentes, les autorites pertinentes ont refuse ou omis de renvoyer la cause au Ministre de la defense, afin que des poursuites judiciaires soient engagees devant les tribunaux militaires, tel que prevu a Particle 71(1) et (3) du Code de la justice militaire. Le Comite renvoie egalement a ses deliberations sur la recevabilite et ses conclusions que le Procureur a arrete, a tort, la procedure engagee par les auteurs et n'a, en outre, pas repondu a leur recours du 25 juillet 2001. Enfin, le Comite note que depuis que les juridictions de droit commun ont ete declarees incompetentes, pres de cinq ans ont passe, sans que de poursuites judiciaires aient ete engagees par le Ministre de la defense. L'Etat partie n'a pu expliquer les retards en question et sur ce point, le Comite considere que, contrairement aux arguments de I'Etat partie, aucune prescription ne saurait rendre
caduque Faction devant le juge militaire, et des lors la non-denonciation de 1'affaire - aupres du Ministre de la defense revient au Procureur, seul habilite a le faire. Le Comite considere que cette inaction depuis 2001, et ce, en depit des divers recours introduits depuis par les auteurs, constitue une violation de P obligation de respecter la garantie
38 Communication n° 1015/2001, Perterer c. Autriche, Decision d'irrecevabilite du 20 juillet 2004, par. 9,2.

d'egalite de tous devant les tribunaux, reconnue au paragraphe 1 de Particle 14 du Pacte, et des principes d'impartialite, d'equite et d'egalite implicites daps cette garantie.
12.7 En ce qui concerne une violation de Particle 26 du Pacte, le Comite estiine que les arguments avances par les auteurs de discrimination a leur encontre de la part des autorites en raison de Popinion politique sont insuffisants pour faire apparaitre une violation.
13. Le Comite des droits de I'homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de Particle 5 du Protocole facultatif, juge que les faits dont it est saisi font apparaitre une violation des articles 7 et 14, paragraphe 1, du Pacte.
14. Le Comite rappelle qu'en adherant au Protocole facultatif, 1Etat partie a reconnu que le Comite avait competence pour determiner s'il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformement a Particle 2 du Pacte, it s'est engage a garantir a tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et a assurer un recours utile et effectif lorsqu'une violation a ete etablie. En vertu du paragraphe 3 a) de Particle 2 du Pacte, 1'Etat partie est tenu d'assurer un recours utile et effectif a Mine Sankara et ses fils consistant notamment en une reconnaissance officielle du lieu de sepulture de Thomas Sankara, et une indemnisation pour l'angoisse que la famille a subie. L'Etat partie est egalement tenu d'empecher que des violations analogues se reproduisent a 1'avenir.
15. Etant donne qu'en adherant au Protocole facultatif, un Etat partie reconnait la competence du Comite pour determiner s'il y a eu ou non violation du Pacte et que, conformement a Particle 2 de celui-ci, it s'engage a garantir a toute personae se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et a assurer un recours utile et executoire lorsqu'une violation a ete etablie, le Comite souhaite recevoir de 1Etat partie, dans les 90 jours suivant la transmission des presentes constatations, des informations sur les mesures qu'il aura prises pour leur donner suite. L'Etat partie est egalement prig de rendre publiques les constatations du Comite.
[Adopte en anglais, en espagnol et en franrcais (version originale). Paraitra ulterieurement en arabe, en chinois et en russe daps le rapport annuel presente par le Comite a 1'Assemblee generale.]