Document Officiels -- Campagne Internationales Justice pour SANKARA
CIJS -AFFAIRE SANKARA - Lettre ouverte au president Francais
CIJS -AFFAIRE SANKARA - Lettre ouverte au president Francais
AFFAIRE SANKARA : LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
FRANÇAISE A PROPOS DE LA VISITE DE MONSIEUR BLAISE COMPAORE
Monsieur le Président de la République,
Il y a 14 ans le Président du Burkina Faso, Thomas Sankara, était assassiné avec 12 de ses camarades par un commando armé. Il y a quatre ans, Mariam Sankara, sa veuve et ses enfants portaient plainte contre X pour assassinat et faux en écriture administrative (le certificat de décès de son époux portait la mention : mort de mort naturelle). Le juge d'instruction qui avait reçue la plainte, prenait une ordonnance à fin d'informer contraire aux réquisitions de Monsieur le Procureur du Faso. La chambre d'accusation de la Cour d'appel de Ouagadougou, sur appel du Ministère public, rendait un arrêt en date du 26 janvier 2000, déclarant les juridictions de droit commun incompétentes au prétexte que Thomas Sankara avait été tué dans une enceinte militaire. Les avocats de Madame Sankara se sont pourvus en cassation contre cette décision. Contre toute attente, la Cour suprême déclarait irrecevable ce pourvoi pour défaut de consignation d'une somme de 5000 F CFA soit 50 F français !!! Il est vrai que pour parvenir à un tel résultat, cette Cour n'avait pas hésité à bafouer toutes les règles de droits dont elle est chargée d'assurer le respect notamment, aucun des avocats de la partie civile n'était autorisé à consulter le réquisitoire de l'avocat général avant l'audience, celui-ci ayant été purement et simplement expurgé du dossier. De même le greffe qui pourtant avait l'obligation d'informer les avocats du paiement de la consignation prévue par la loi, s'était délibérément gardé de le faire. Enfin, aux termes des dispositions d'ordre public de la loi burkinabé, cette consignation n'est pas exigible notamment pour les mineurs. Or à la date du pourvoi, l'un des fils Sankara était mineur. On aurait donc pu imaginer que, les juridictions civiles s'étant déclarées incompétentes, il revenait aux juridictions militaires de juger cette affaire au travers de sa saisine par le Ministre de la défense comme cela s'est fait jusqu'alors dans d'autres dossiers. A la suite de cet arrêt de la Cour Suprême qui n'a pas tranché sur le fond de l'affaire, les parties civiles qui se trouvaient en l'état de la décision de la chambre d'accusation, demanderont vainement au Procureur de la République du Faso de dénoncer le crime d'assassinat de Thomas Sankara, au Ministre de la défense burkinabé qui, seul, peut saisir les juridictions militaires. Interrogé sur ce point le 30 juin dernier, Monsieur Compaoré prétendra que le ministre de la défense n'avait pas à traiter des questions de justice et ce, nonobstant les dispositions du code de la justice militaire burkinabè qui, en son article 71, prévoit expressément une telle intervention de son ministre de la défense pour peu que la compétence des juridictions militaires soit retenue. Aujourd'hui ce simulacre de procédure est donc tout simplement bloqué judiciairement par le pouvoir politique et une justice qui lui est totalement inféodée. Malgré la journée dite du pardon où Monsieur Compaoré a promis la main sur le cœur que toutes les affaires en cours iront à leur terme, le régime n'a toujours pas démontré - dans aucun dossier - que les nombreux crimes impunis perpétrés sous son régime pourraient un jour bénéficier d'une justice impartiale et digne de ce nom. Le préalable à la recherche de la vérité posé par la Commission des sages à toute véritable réconciliation nationale, est purement et simplement nié par ce régime qui préfère multiplier les simulacres et les leurres qui ne sauraient combler la peine des familles des victimes. C'est la raison pour laquelle Mariam Sankara, la veuve du Président assassiné, a refusé de cautionner la décision d'ériger un mausolée pour Thomas Sankara ainsi que la journée du pardon décrétée par le gouvernement Burkinabé le 30 mars 2001. Non seulement la famille Sankara qui ne sait toujours pas qui a assassiné le Président Thomas Sankara, ne sait pas qui pardonner, mais surtout, la demande de pardon formalisée par le chef d'Etat burkinabé s'accompagne d'un refus catégorique de laisser la justice de son pays rechercher en toute indépendance les auteurs et commanditaires de cet assassinat. C'est pourquoi notre Comité est choqué de voir la France recevoir Monsieur Compaoré en grande pompe à Paris, comme si ce chef d'Etat dont le régime est maculé du sang de nombreux burkinabé, était devenu fréquentable surtout au moment ou la communauté internationale de la fait de la question de la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes de sang et économique un de ces thèmes fondamentaux. Nous restons donc convaincu que vous ne manquerez pas d'user de toute votre influence dans ce sens auprès de ce chef d'état qui, malgré une démocratisation de façade et ses professions de foi récurrentes quant à son attachement à l'état de droit, ne semble pas particulièrement porté à voir des juridictions indépendante et impartiale rechercher la vérité sur les nombreux crimes de sang qui ont émaillé son règne depuis son accession au pouvoir. Convaincu que seul un procès juste et transparent pour les assassins de Thomas Sankara mais aussi pour les autres victimes de crimes politique et économiques de ce régime, serait un premier pas vers la fin du cycle de l'impunité régnant dans ce pays, nous vous saurions de gré de bien vouloir nous informer de toute initiative que vous aurez pris dans le sens de nos demandes. Nous vous prions d'agréer Monsieur le Président, L'expression de notre plus déférente considération.
Pour le Comité Thomas Sankara et
Le Comité International de lutte Contre l'Impunité
Jean ABESSOLO, Président.